Le Milk, 10 ans de bulles : l’effervescence d’un bar LGBT+ à Rouen

Depuis 10 ans, le Milk est devenu une véritable institution pour la communauté LGBTQ+ à Rouen. À travers une ambiance inclusive, des soirées festives et un engagement sans faille, Gregg et Antoine ont su faire de ce lieu une safe place où générations et identités se mélangent, sans oublier les deux barmans, Yanis et Flavien. Pour célébrer cette décennie de partage et de résilience, les deux patrons reviennent sur leurs débuts, les défis surmontés, les moments marquants et leurs aspirations pour l’avenir. Rencontre avec deux passionnés qui portent haut les couleurs de la diversité.
Le Milk, bar Gay à Rouen
(l’équipe du Milk – Yanis, Flavien, Gregg, Antoine – février 2025)

Interview : 10 ans, 10 questions…

Gayviking : C’était il y a 10 ans… Comment est née l’idée d’ouvrir ce bar à Rouen ?

Gregg : Bien que mon parcours fût principalement axé autour de l’informatique et d’internet, j’avais toujours eu cette envie de créer un établissement de nuit. Quand l’occasion s’est présentée à moi et que j’ai rencontré Dorothée (l’ancienne propriétaire à l’époque du Scopitone et aujourd’hui du Vixen), il m’a paru évident que les conditions étaient idéales et je me suis donc lancé dans l’inconnu car, il faut le savoir, ce n’est pas du tout mon métier d’origine.

Avez-vous rencontré des résistances ou des défis particuliers liés à votre positionnement en tant que bar LGBT+ ?

Gregg : Bien sûr, il aurait été beaucoup plus facile (et rentable) de jouer la carte du pub classique et de diffuser des matchs de football. Mais c’était sans compter sur le fait que je suis quelqu’un d’assez têtu et que j’avais une vision toute particulière de la chose. La première année fut difficile car il fallait se faire connaitre (je ne me suis pas versé de salaire les 12 premiers mois) et prouver qu’un bar LGBT avait toute sa place à Rouen alors même que les établissements de ce type disparaissaient.

Antoine : Il y a bien eu des défis, notamment de faire du Milk une safe place pour la clientèle LGBTQ+. Ce qui nous rassure, c’est l’ancrage que l’établissement a dans le quartier. Que ce soit avec nos confrères restaurateurs ou bien nos voisins, il y a un vrai lien qui s’est créé et s’entretient au fil des ans. En travaillant main dans la main avec les autres professionnels du monde de la nuit, la clientèle ne peut que se réjouir de trouver une atmosphère particulièrement friendly dans le quartier.

Comment décririez-vous l’ambiance et l’identité unique du Milk ?

Gregg : Chaque soirée est différente. Le mercredi et le week-end c’est en général très festif, plus posé le dimanche… c’est bien souvent la clientèle qui donne le ton parfois si atypique de certaines soirées comme les apéros Fetish.

apero convivial fetish
(photo : Fetish Normandie, facebook)

Comment le Milk a-t-il évolué depuis son ouverture, et comment décririez-vous votre clientèle ? A-t-elle changé au fil des ans ?

Gregg : Une base d’habitués est là depuis le tout début. Certains disparaissent et sont remplacés par de nouvelles têtes mais cela fait très plaisir de voir sur les réseaux ou même de temps en temps des « anciens » (qui bien souvent n’habitent plus à Rouen) venir nous faire un coucou le temps d’une soirée après plusieurs années. A noter qu’une nouvelle génération, plus queer, est désormais également présente (ce qui n’était pas le cas il y a encore quelques années). Le succès des émissions comme Drag Race y est pour beaucoup et permet a pas mal de jeunes de s’épanouir pleinement sans peur du jugement.

Antoine : Effectivement, une jeune génération s’est appropriée le lieu ces dernières années, il n’en reste pas moins que l’ADN du Milk est le mélange des générations, des genres, des classes sociales. C’est à nos yeux une grande richesse.

Quels sont les moments ou événements les plus mémorables des 10 dernières années ?

Antoine : Il y en a beaucoup ! Chaque anniversaire du Milk est une joie intense. La rencontre avec le cabaret de Dieppe La Sirène à Barbe, la venue de Kitty Space (Drag Race saison 2), la venue de Lolla Wesh, nos amis transformistes de Lille « Les Pulpeuses« … Le dénominateur commun à tous ces moments, c’est la présence de la clientèle qui joue le jeu à 200% mêlée à la venue de ces artistes qui ont toujours apprécié l’atmosphère du Milk. Dernièrement, c’est d’avoir été élu, lors d’un simple concours, bar préféré des rouennais. On a alors reçu beaucoup de messages de soutien de toute part et ça a été hyper gratifiant.

Gregg : C’est d’autant plus gratifiant qu’un bar LGBT comme le Milk se positionne en première place. Cela montre que les mentalités changent et c’est tant mieux !

Bar Gay le Milk
(Gregg et Antoine du bar Le Milk – 2019)

Comment percevez-vous l’évolution de la scène LGBT+ à Rouen au fil des années. Quelle place pensez-vous que le Milk occupe sur cette scène ?

Antoine : Elle s’épaissit, elle se structure peut-être mieux. J’entends par là qu’il y a désormais plus d’acteurs (établissements friendly, associations, drag queen et drag king) et donc beaucoup plus d’initiatives. C’est un signal extrêmement positif pour la visibilité de la communauté LGBTQ+. Je ne pourrai pas vous dire objectivement quelle place le Milk occupe dans cette évolution puisque nous avons la tête dans le guidon, mais nous faisons tout ce que nous pouvons pour mettre en relation les acteurs, aider à la création de projets, à la communication, ou à nous y impliquer directement. Des événements culturels comme le festival de cinéma Ciné Friendly, qui monte en puissance, ou lorsque le cabaret La Sirène à Barbe investit l’établissement, aident au rayonnement de la communauté. Ce que nous apprécions particulièrement, c’est l’intérêt que les gens ont en incluant quasiment systématiquement le Milk dans les projets.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite ouvrir un établissement LGBT+ aujourd’hui ?

Gregg : Peut-être de ne pas se focaliser sur quelque chose de trop radical justement (un bar 100% mec, 100% lesbien ou même 100% transgenre..). Ce qui est intéressant et constructif, c’est justement que toute la communauté se mélange. Certains jugent que les Drags ou les Fetish n’ont pas leur place dans des soirées « publiques » car, selon eux, cela peut renvoyer une mauvaise image de l’homosexualité. Je pense justement le contraire car c’est une affirmation des libertés individuelles et cela permet a chacun de découvrir l’univers de l’autre !

Antoine : D’être constamment honnête dans la démarche. On ne peut pas, à mes yeux, ouvrir un bar LGBTQ+ en ayant juste un drapeau sur sa façade le jour où ça arrange. Il faut un accueil, des connaissances, mais avant tout de l’honnêteté et de la sincérité tous les jours.

Bar gay Le Milk
(Bar Le Milk, août 2024 – photo gayviking.fr)

Quelle est votre plus grande fierté en tant que propriétaires du Milk ?

Gregg : C’est peut être un peu bateau, mais de voir les gens rire, s’amuser et partager de bons moments me rend fier de ce que nous avons accompli.

Antoine :  De voir qu’au bout de 10 ans notre petit établissement arrive à accueillir autant la clientèle de passage, régulière, de curieux, sans s’essouffler, et d’avoir en retour cette fidélité, cette positivité et cette présence lorsque nous organisons des événements, c’est une grande fierté.

Comment voyez-vous le rôle des établissements comme le vôtre dans la lutte pour l’égalité et la visibilité LGBTQ+ ?

Antoine : La lutte pour l’égalité continue et il y a des avancées, c’est certain. Que ce soit dans les droits, ou la visibilité notamment à travers des émissions de grand public, c’est indéniable que ça porte ses fruits, bien qu’il reste encore du chemin à faire. Néanmoins – c’est paradoxal – il y a besoin de lieux ouvertement LGBTQ+ pour que ce soit un non-sujet une fois à l’intérieur. Oui, on est gay, on est lesbienne, on est hétéro, on est bi. Et après ? Ce qui nous réunit, c’est cette envie de partage, de se retrouver autour de valeurs positives, d’ouverture, de rencontres, de sociabilisation, de s’épanouir sans regard de travers ou réflexion déplacée, comme c’est malheureusement souvent le cas à l’extérieur. C’est garantir un endroit, un accueil, une écoute, des rencontres à qui se sent seul ou en questionnement dans sa construction personnelle.

Quels sont vos projets ou rêves pour les prochaines années du Milk ?

Antoine : Simplement que ce que nous avons insufflé à travers le Milk contribue encore à la vie de la communauté LGBTQ+ rouennaise pour les années à venir.

Gregg : Que ça continue encore et encore…

Pour aller plus loin

Le Milk proposera une semaine spéciale anniversaire du 11 au 16 mars 2025 avec de belles surprises (infos à venir)

Bar Le Milk1 bis Rue du Père Adam à Rouen. Ouvert du mardi au jeudi de 18h à minuit. Le vendredi et samedi de 18h à 2h et le dimanche de 18h00 à 23h.

site internet du Milk
compte instagram
page facebook

Le Milk sur Gayviking…

Relire l’interview du bar Le Milk annonçant son ouverture (janvier 2015)

Interview du Milk trois ans après l’ouverture (janvier 2018)

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