Interview : il faut sauver le soldat Yagg… et l’info LGBT en général

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Xavier Héraud (photo : Philippe Escalier)

(article publié le 26 septembre 2015)
Sans média LGBT en France il n’y aurait pas de visibilité pour la communauté Gay. Une information indépendante et de qualité est importante pour la liberté de chacun, pour les combats contre les discriminations et l’avancer des droits. La presse gay et lesbienne est comme une arme qu’il faut préserver. La disparition du magazine TETU en juillet dernier a été le révélateur de la fragilité de cette liberté. Aujourd’hui, Yagg.com est maintenant le seul grand média LGBT en France mais il est dans une position fragile. Rencontre avec son rédacteur en chef adjoint, Xavier Héraud, qui mène le combat pour sauver l’info LGBT…

GAYVIKING : Vous êtes co-fondateur du site Yagg, pourquoi avez-vous participé à cette aventure ?
Xavier Héraud : Yannick Barbe, Christophe Martet, Judith Silberfeld et moi-même nous sommes connus à Têtu. Nous avions aimé travailler ensemble et nous avons voulu continuer à le faire après notre départ du magazine. A l’époque (en 2007), les premiers médias web participatifs se lançaient. Nous avons réfléchi à l’idée de créer un média LGBT sur ce modèle. Nos réflexions se sont concrétisées un an et demi plus tard, le 4 novembre 2008, lorsque nous avons mis la première version du site en ligne.
yagg-logoGAYVIKING : Qu’est-ce-qui vous démarque des autres médias LGBT sur le web ?
Xavier Héraud : Nous sommes l’un des seuls, si ce n’est le seul qui soit vraiment LGBT. Ensuite, nous laissons la part belle aux internautes ou aux actrices et acteurs de la communauté, qui peuvent s’exprimer sur nos articles, avec leurs blogs ou via notre rubrique Opinons & Débats. Pour finir, nous essayons de rester proches de celles et ceux qui font bouger le monde gay, lesbien, bi et trans. Je crois que cette proximité est aussi une de nos marques de fabrique.
yagg-team2015-gayvikingGAYVIKING : Longtemps proposé gratuitement, l’accès aux articles de Yagg est devenu payant cette année. Pourquoi un tel changement ?
Xavier Héraud : C’est simple. La publicité seule ne suffit pas à financer le site. Jusqu’ici nous avons compensé par des activités annexes. Mais ces activités ne sont plus possibles ou trop aléatoires. De plus, nous avons envie de nous consacrer exclusivement à Yagg. Il nous semble que les internautes comprennent désormais que produire de l’information a un coût. C’est pour cela qu’un magazine papier est payant. C’est pour cela que l’information sur le web l’est aussi.
 GAYVIKING : Aujourd’hui, vous êtes à la moitié de votre objectif. Quel avenir envisagez-vous pour  Yagg si vous n’arrivez pas à atteindre les 3000 abonnés ?
Xavier Héraud : Si à terme nous n’atteignions pas cet objectif, cela signifierait que trop peu de gens sont intéressés par ce que Yagg propose. Nous serions alors face à deux possibilités: soit nous trouvons de l’argent pour proposer quelque chose de différent, soit nous fermons boutique. Cela étant, cet objectif de 3000 abonnés nous semble à la fois raisonnable et accessible. Notre seule difficulté est que nous restons fragiles et à la merci du moindre pépin de trésorerie. Donc plus vite vous vous abonnerez à Yagg, plus vite nous pourrons consolider l’entreprise et vous proposer toujours plus d’info LGBT.
yagg-tetu-gaipiedGAYVIKING : Cet été, la communauté LGBT a vu disparaître un pilier de la presse gay. Qu’avez-vous ressenti à l’annonce de la disparition de TETU ?
Xavier Héraud : La disparition d’un titre de presse n’est jamais une bonne nouvelle. A titre personnel, cela m’a également touché pour plusieurs raisons. Je me souviens de l’émotion ressentie à la lecture de mes premiers Têtu à 18 ou 19 ans. J’ai su très vite que je voudrais y travailler. Par bonheur, c’est là bas que j’ai pu commencer ma vie professionnelle et me former à mon métier. Enfin, plusieurs amis travaillaient à Têtu au moment de sa liquidation. Je sais qu’ils ont vécu des moments difficiles et je sais aussi qu’ils se sont battus jusqu’au bout.
Toutefois, je ne vois pas cela comme la fin de l’Histoire. Gai Pied a disparu et Têtu a été créé quelques années plus tard. Peut-être se créera-t-il un nouveau média… D’une certaine manière, nous l’espérons. La concurrence est quelque chose de sain. Et le pluralisme une garantie de qualité supplémentaire.
GAYVIKING : L’union ou la fusion des médias lgbt (yagg, têtu, la presse écrite gratuite…) n’aurait-elle pas été une solution… être plus fort ensemble ?
Xavier Héraud : Pour ce qui est d’un rapprochement entre Têtu et Yagg, nous y avons réfléchi, effectivement. Mais nos marques étaient trop différentes pour s’accorder. Nous avons pu le vérifier lorsque nous avons exploité le site de Têtu pendant 18 mois suite au rachat du titre par Jean-Jacques Augier.
GAYVIKING : Yagg est devenu quasiment le seul grand média lgbt en France, c’est une lourde responsabilité. Que cela vous inspire ?
Xavier Héraud : Un sentiment de responsabilité, justement! Je sais que les attentes vont être plus fortes maintenant vis à vis de nous. Nous nous efforcerons d’être à la hauteur! Pour autant, nous ne pourrons pas répondre à toutes les attentes. Un média comme Yagg n’a pas vocation à représenter toute l’activité LGBT de France et d’ailleurs. D’une, nous n’en avons pas les moyens. De deux, nous sommes un média, pas une agence de presse. Nous avons un point de vue, une voix qui nous est propre.
yagg-copie-gvGAYVIKING : Quels sont les projets de Yagg dans les prochains mois ?
Xavier Héraud : Continuer à proposer la meilleure info LGBT possible afin d’atteindre notre objectif de 3000 abonnés.  Nous allons ensuite améliorer petit à petit le site pour proposer des services supplémentaires à nos abonné.e.s et améliorer l’expérience de lecture pour tout le monde, notamment sur mobile.
GAYVIKING : Un dernier mot à ajouter ?
Xavier Héraud : Oui. Lorsque nous parlons de contenu payant, certains nous répondent: « pourquoi payer quelque chose que je trouverais ailleurs gratuitement« . Or, les articles que nous réservons à nos abonné.e.s sont justement ceux que l’on ne trouvera pas ailleurs. Où ailleurs pourra-t-on lire une longue enquête sur le bilan d’Anne Hidalgo sur les questions LGBT? Ou ailleurs trouvera-t-on des reportages sur les principaux événements LGBT de France? Où lira-t-on de longs reportages sur la vie et les droits LGBT à Madrid ou Montréal? Ou des interviews où l’on ne demande pas aux gens comment ils gèrent leurs « pulsions homosexuelles » dans les vestiaires ?
GAYVIKING : … diriez-vous que les médias traditionnels, télévision, presse écrite, comme les chaînes d’info ou même l’AFP n’informent pas convenablement le public sur la vie LGBT en France ?
sauver-yaggXavier Héraud : L’info LGBT est de plus en plus et de mieux en mieux traitée dans les médias généralistes. Mais il reste encore du boulot. Beaucoup utilisent encore des expressions comme « mariage gay » ou sont parfois très maladroits sur les questions trans’. Et puis, ils ne s’adressent pas à un public spécifique, donc il y a parfois besoin de réexpliquer des choses qui sont évidents pour les lectrices et les lecteurs de Yagg. De plus, les commentaires sur les sites généralistes peuvent être vraiment lourdingues. Nous avons notre lot de trolls nous aussi, mais au moins chez nous, les commentaires homophobes sont tout de suite enlevés et leurs auteurs supprimés. C’est important que les gens puissent lire des articles et des commentaires où ils se sentent pas insultés.
Enfin, sur Yagg, les articles sont écrits à partir d’un point de vue LGBT. Nous avons une vie communautaire et une cultures riches. Nos histoires méritent d’être racontées à la première personne.
 

Pour approfondir le sujet

Lien : Abonnez-vous à Yagg.com pour préserver l’info LGBT en France (lien externe)
Lien : histoire de TETU, le pilier de la presse gay de 1995 à 2015 (article gayviking)
Lien : Gai Pied, être gay de 1979 à 1992 (article gayviking)
Lien : Association des journalistes LGBT (lien externe)

 
(première photo : Xavier Héraud par Philippe Escalier)

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