(article publié le 14 avril 2013)
A l’approche de la fin du débat sur l’égalité des droits au Parlement les opposants au projet de loi se radicalisent nettement. Les propos d’appel à la haine, à la violence et au sang deviennent de plus en plus courants. Ils ne semblent pas se rendre compte de la portée de telles propos.
Un contexte de haine
Ces déferlements de haine mettent bien en évidence les sentiments les plus homophobes qui se cachaient dans notre société. On remarque bien qu’il ne s’agit plus d’une opposition contre un projet de loi mais bien un rejet des personnes gays et lesbiennes, même si les responsables des « antis » affirment le contraire. Il suffit d’écouter, de lire et de voir les comportements des personnes enrôlées par les organisateurs dans ces manifestations. Les sites d’informations et les réseaux sociaux sont également utilisées par ces homophobes dans les commentaires d’articles de presse.
Il y a une semaine, Wilfred et Olivier ont été sauvagement agressés (photo ci-contre). L’homophobie a désormais un visage (voir l’info sur le Forum de GAYVIKING ici).
Réactions des associations normandes
Depuis le début, les associations gays et lesbiennes de la région ont apportées des contre-argumentaires aux opposants de l’égalité. Elles n’ont pas hésité à organiser des contre-manifestations pacifiques et d’explications pour contrer les opposants. Elles ont aussi apporté leur soutien aux personnes homosexuelles en mal-être fortement touchées et impactées par ce débat.
Un collectif de quatre associations normandes a publié un communiqué de presse ce week-end appelant à un vote rapide du texte afin de faire cesser ce défilement d’insultes et d’appels à la haine (Associations : Maison des Diversités – Gay’T Normande – Melting Pomme – Contact Calvados) :
Ce vendredi, le Sénat a adopté le projet de loi relatif au «Mariage Pour Tous». Le Gouvernement a également décidé d’accélérer le calendrier législatif en renvoyant le texte devant l’Assemblée Nationale dès la semaine prochaine. Ainsi, l’horizon pourrait s’éclaircir pour les nombreux promoteurs de l’égalité après plusieurs mois d’âpres débats virant souvent à l’invective.
Pourtant, l’attitude des opposants au projet de loi alimente un climat devenu irrespirable pour tous et particulièrement pour les homosexuels, leurs familles et amis. Mesdames Barjot et Boutin déclarent qu’il y aura « du sang » ou « une guerre civile ». Même position du député de la Manche Philippe Gosselin. La branche locale de la Manif’ dite « Pour Tous » parle sans complexe de « forfaiture », annonce une lutte « sournoise » et ajoute : « on ne se laissera JAMAIS faire ».
Alors que les homosexuels n’ont jamais été aussi près d’entrer pleinement dans la République, les opposants ne cachent plus leur tentation d’en sortir. Pourquoi sinon faire scandale de la mise en œuvre démocratique d’un engagement du Président de la République ?
La rhétorique belliciste et les contre-vérités véhiculées par les opposants au projet légitiment la recrudescence avérée des actes homophobes dans certaines villes de France[3]. Dans la région, nos membres témoignent d’un sentiment d’insécurité et de malaise croissant.
72 % des Français estimaient déjà en janvier que le débat avait trop duré (sondage YouGov/HuffPost publié le 30/01/2013). Nous n’assistons d’ailleurs plus aujourd’hui à un débat, mais à une lutte jusqu’au-boutiste fondée sur des idéaux extrémistes.
L’adoption rapide du projet de loi est plus qu’un impératif politique. L’attitude de nos opposants en fait maintenant un impératif de sécurité pour chacune et chacun de nous, ainsi que pour le respect de l’ordre public.
Dans l’Orne, l’association Orn’En Ciel a également diffusé un communiqué de presse proposant un contre-argumentaire :
Manif pour Tous : mensonges, démagogie et homophobie – La « Manif pour tous » (en réalité contre quelques-uns) se radicalise et prend une tournure clairement politique, en voulant faire croire que l’ouverture du mariage aux homosexuels est liée au mécontentement social. Orn’en Ciel, association gay et lesbienne de l’Orne, tient à rappeler que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe n’est pas une question politique, c’est une question de droits humains : les homosexuels et les hétérosexuels sont égaux en droit, comme tous les citoyens de la République. Ils doivent pouvoir fonder une famille, s’ils le souhaitent, et la protéger juridiquement comme n’importe qui.
Cette question aurait mérité d’être résolue depuis longtemps. Nous avons été devancés par plusieurs pays à travers le monde (Canada, Belgique, Espagne, etc.), dont la devise ne comporte pourtant pas le mot « égalité ». Il faut remarquer au passage que plusieurs d’entre eux sont ou ont été gouvernés par la droite et qu’aucun d’entre eux n’est revenu en arrière, aucune des craintes agitées de manière irrationnelle ici ne s’est réalisée nulle part. Depuis des mois, la mobilisation contre ce projet de loi s’est construite sur la peur de l’autre. Elle n’a cessé de faire appel à des stéréotypes et des fantasmes autour notamment des familles homoparentales et des enfants vivant dans ces familles que la très grande majorité des opposants à ce projet de loi n’ont jamais rencontrés.
Les anti-mariages français et leurs arguments sont donc totalement dépassés sur le fond et par les événements :
– « s’occuper du chômage plutôt que du mariage » : Quel rapport ? Le gouvernement précédent, qui n’a accordé aucune avancée de leurs droits aux homosexuels en dix ans, a-t-il mieux réussi contre le chômage ? Qui perd son temps à faire du bruit pour rien, alors que le projet de loi était dans le programme du candidat élu et qu’il est en cours d’adoption par les représentants du peuple, élus eux aussi ? Pendant qu’on manifeste pendant des mois ici, la Grande-Bretagne a adopté la même loi au Parlement majoritairement conservateur en une seule journée.
– « un père et une mère sont un droit pour l’enfant » : Un droit, ce n’est pas une obligation ! Avoir un père et une mère, ce n’est pas non plus une garantie pour l’enfant de vivre dans de bonnes conditions. Affirmer ainsi que n’importe quels parents hétérosexuels valent mieux que n’importe quels parents homosexuels, c’est de l’homophobie.
– « respect de la parité dans le mariage » : La parité, c’est de permettre l’égalité homme-femme dans la vie sociale et politique. Quel rapport ?
– « le droit de l’enfant plutôt que le droit à l’enfant » : Encore un abus de langage, le droit à l’enfant n’existe pas, n’est réclamé par personne. Des familles homoparentales existent, sans avoir eu besoin de l’autorisation de quiconque et ont droit aux mêmes protections juridiques que les autres familles.
– « un pacte civil plutôt que le mariage » : Non. Trop tard et trop peu. Le pacte civil faisait partie du programme de N. Sarkozy en 2007, passé à la trappe après son élection. Ceux qui étaient contre le PACS voudraient à présent l’améliorer ? C’est uniquement un stratagème pour priver les couples homosexuels de la possibilité d’adopter.
– « c’est une menace pour : le mariage, la France » : Cela ne changera rien concrètement pour les hétérosexuels. La reconnaissance des droits pour les homosexuels est un mouvement mondial et constitue un progrès. La France s’honorera de reconnaître les mêmes droits à tous.
Enfin, l’association rouennaise LGBT Droit de Cité a diffusé le communiqué de presse suivant demandant aux autorités de dénoncer clairement la radicalisation des « antis » :
A l’heure du vote au Senat du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, ses opposants ont décidé de radicaliser leur mouvement, entrainant dans leur sillage une montée de l’homophobie en France. En réponse, le gouvernement et le Président de la République doivent faire montre d’une fermeté sans faille et aller jusqu’au bout dans l’égalité des droits promise avant les élections, notamment en matière de PMA.
Une radicalisation des «antis» qui renforce l’homophobie.
Depuis plusieurs jours, LGBT Droits de Cité s’inquiète de la radicalisation du mouvement anti-mariage pour tous qui multiplie les actions de plus en plus agressives, voire violentes. En effet, plusieurs «incidents» notables sont venus émailler la semaine et le week-end dernier : manifestation au pied du domicile de Chantal Jouanno, dégradation du véhicule de la sénatrice Esther Benbassa, saccage des locaux accueillant le «Printemps des associations LGBT» à Paris, annulations de débats auxquels devait participer Erwann Binet, en raison de menaces pesant sur sa sécurité. Enfin, c’est l’agression d’un couple d’hommes à Paris, rendu public par l’un des deux en publiant sur les réseaux sociaux la photo de son visage tuméfié, qui nous renvoie à la réalité crue mais réaliste de l’homophobie telle qu’elle existe toujours en France.
Autre signe tout aussi inquiétant, SOS Homophobie, depuis déjà plusieurs mois, signale une très forte augmentation du nombre d’actes homophobes signalés et l’association Le Refuge,de plus en plus de demandes d’hébergements d’accueil.
Si donc le mouvement «manif pour tous» et les responsables politiques se défendent de toute homophobie en s’opposant au mariage pour tous, LGBT Droits de Cité affirme néanmoins que c’est bien leur obstination à considérer qu’une partie de la société française n’est pas digne d’accéder aux mêmes droits que la majorité des français, qui légitime et nourrit les propos et actes homophobes de plus en plus nombreux.
François Hollande et le Gouvernement Ayrault se doivent de dénoncer la radicalisation du mouvement des «antis» et de tenir leurs engagements, notamment concernant la PMA.
A ce flux continue d’attaques et cette escalade dans la violence, le gouvernement et le Président de la République doivent y opposer une détermination sans faille dans l’octroi des mêmes droits pour l’ensemble de la population : droit à se marier, à adopter, à fonder une famille reconnue comme telle.
Si le vote de la loi sur le mariage pour tous permettra aux deux premiers de devenir réalité, la possibilité offerte aux couples homosexuels de fonder leur famille est pour l’instant loin d’être assurée. En effet, le Président de la République, dans sa dernière intervention télévisée, a annoncé qu’il suivrait l’avis du conseil consultatif national d’éthique quant à l’ouverture de la PMA aux couples de femmes. Or, lors de sa campagne, le candidat Hollande a, à plusieurs reprises, promis l’accès à cette technique à toutes les femmes ayant un projet parental.
Reconnaitre les familles homoparentales tout en refusant aux couples de femmes l’accès aux techniques leur permettant de fonder leur famille fait montre de la plus totale hypocrisie : les couples de femmes continueront de se rendre dans les pays voisins pour pouvoir concevoir leur enfant, qui sera ensuite reconnu dans sa pleine filiation à travers les évolutions engendrées par la loi sur mariage pour tous.
Il est donc primordial que l’ouverture de la PMA aux couples de femmes, mais également que les questions liées à la filiation hors mariage, soient comprises dans la future loi famille. Pour cela le gouvernement et le Président de la République doivent ne pas reculer devant les agitations d’une certaine frange de la population recroquevillée sur des idées passéistes et rétrogrades. A défaut, il sera de la responsabilité du législateur d’amender ce futur projet de loi afin que la France reconnaisse enfin la diversité des familles qui la composent.