Certaines n’abordent pas l’homosexualité ou ne sont pas interprétées par des artistes homosexuels. Mais toutes ont en commun d’avoir été très populaires dans les bars puis les clubs gay et pour quelques unes d’entre elles, à l’échelle d’un continent voire du monde entier.
(cliquez, écoutez, découvrez… )
Chronologie d’écoute :
« Willkommen, Bienvenue, Welcome,» est un extrait de « Cabaret » une comédie musicale américaine des années 60 adaptée en film avec Lisa Minelli dans les années 70. Cette comédie retrace l’histoire d’un cabaret de travestis dans le Berlin des années 30, pendant la montée du nazisme.
Autre chanson incontournable, et véritable hymne homosexuel dans les années 20 à Berlin, « Das Lila Lied » fut à la fois une chanson festive mais aussi militante dans ce pays à la pointe de la libération homosexuelle avec le premier mouvement militant mené par Magnus Hirschfeld. La fête ne peut pas être dissociée du militantisme homosexuel puisqu’elle perdure toujours à travers les gay pride du monde entier. Cet air typiquement berlinois anima de nombreux cabarets de travestis au cours du siècle et au delà de l’Allemagne.
Une mémoire collective
Puis, ce qui fut considéré comme l’hymne des homosexuels américains, « Somewhere over the Rainbow », première allusion à l’arc-en-ciel avant la lettre, est davantage lié à la personnalité qui l’interpréta, Judy Garland, égérie et icône gay incontestée des années 30 à 60 aux Etats-Unis. La mort de Judy Garland en juin 69 et cette chanson furent un des détonateurs de la révolution gay de Stonewall, d’où l’importance de cette chanson dans la mémoire collective homosexuelle.
Retour à Berlin avec une autre égérie gay des années 30 que fut Marlène Dietrich jusqu’à sa mort. Figure indissociable du cabaret berlinois mais aussi de la lutte contre le nazisme, Marlène Dietrich fut l’interprète de « Ich bin von Kopf bis Fuss auf Liebe eingestellt », chanson mélancolique extraite de l’Ange Bleu en 1930. On y retrouve un des thèmes préférés de la sub-culture gay, celui de la femme fatale, aux amours compliquées et contrariées, qui finit par se réfugier dans une solitude suicidaire. Marlène Dietrich, comme bien plus tard Dalida, incarne parfaitement ce type d’égérie gay dans lequel beaucoup d’homos de l’époque se retrouvaient.
visibilité gay
« Somewhere (There’s a Place for Us) » extrait de la comédie musicale « West Side Story » dans les années 50. De par les paroles de la chanson, « quelque part, il y a une place pour nous », « il y aura un temps pour nous, dans la paix et la quiétude et en plein air »… et « nous trouverons une façon de pardonner » : chanson prémonitoire à l’aube de la visibilité gay.
« As long as he need me » interprétée par Shirley Bassey fut également un air très apprécié dans la communauté gay anglaise et américaine. On y retrouve encore le thème des amours interdites et suicidaires. Shirley Bassey, à l’image de Judy Garland, fut également une figure mythique de la communauté gay. Le grand amour de sa vie, Kenneth Hume, était homosexuel.
Avec « Dime que me quieres » on constate que s’il y avait des égéries gay internationales, chaque pays avait également les siennes. En Espagne, la chanteuse Conchita Piquer était très appréciée dans le milieu interlope de Barcelone et ses bars de marins et de travestis du quartier Barrio Chino. Cette chanson relate, une fois de plus, un amour passionnel et suicidaire pour une personne indifférente.
Les cabarets
A Paris les cabarets de Montmartre étaient la scène des chansons dites « interlopes ». Ces chansons aux paroles à double sens, jouaient de l’ambiguïté des sexes, mais on y entendait aussi les chanteuses réalistes comme Damia et Fréhel ou des chanteuses grivoises comme Yvette Guilbert, souvent imitées dans les cabarets de travestis. Son titre phare fut « Madame Arthur » interprétée dès 1892 sur la scène du Divan Japonais, cabaret de la rue des Martyrs qui prit le nom de « Madame Arthur » en 1948 et devint un cabaret de travestis, toujours en activité.
« Madame Arthur », chanson au titre et aux paroles ambigües puisque « Madame Arthur » avait un « je ne sais quoi » qui la distinguait de toutes les autres femmes… Cette chanson fut reprise par toutes les « meneuses de revue » de ce cabaret et devint, en quelque sorte, le premier hymne homosexuel du milieu gay parisien et français. Elle est interprétée ici par « Zazie de Paris » chanteuse transsexuelle dans les cabarets parisiens des années 60 puis très populaire à Berlin dans les années 80.
Des airs sensibles…
On ne pouvait terminer ce premier volet, sans écouter la grande diva et égérie gay intemporelle et internationale que fut Maria Callas. Cet extrait de « La Wally » est parmi les airs les plus sensibles et magnifiques et ne peut laisser personne indifférent même si son public était moins populaire que celui des chanteuses de variété.
Le final de « Cabaret » clôt ce premier mix avec une évocation de la fin des années heureuses et le début des années tourmentées du nazisme. Des notes dissonantes troublent la fête et laissent la place à un « auf wiedersehen… à bientôt » puis au silence.
- À lire : Les années 1950-1960
- À lire : Les années 1970-1975
- Et les années 1976-1979, les années disco