(article publié le 22 février 2016)
Après la disparition du magazine TÊTU des kiosques en juillet 2015, un nouveau magazine gay a décidé de tenter l’aventure en novembre dernier. Son nom : « Garçon Magazine ». L’équipe de ce nouveau bimestriel sait que le pari est risqué. Sortir un magazine papier dans le contexte d’aujourd’hui est un défit économique et plus encore quand il se destine à un public restreint.
Au sein de la communauté LGBT beaucoup de regards se sont naturellement portés sur ce nouveau venu qui ressuscite la presse gay en kiosque. Une sortie qui a fait beaucoup parlé sur internet et notamment les réseaux sociaux avec des avis très tranchés : « on aime » ou « on n’aime pas« .
Le ton des articles de Garçon Magazine est parfois léger, mais cette orientation semble être assumé pour divertir et informer le plus grand nombre de lecteurs. Le rédacteur en chef, Christophe Soret, sait que son magazine n’est pas parfait et qu’il souhaite le faire progresser au fil des numéros à venir au même titre que TÊTU à sa sortie en 1995.
Pour nous expliquer son projet, ses ambitions, et répondre aux critiques, notamment de ses confrères web, Christophe Soret a accepté de répondre à nos questions presque trois mois après la sortie de Garçon Magazine…
INTERVIEW
GAYVIKING : Comment vous êtes venue l’idée de lancer un magazine gay papier ?
Christophe Soret : Avec le constat de l’arrêt de Têtu en Aout 2015, nous avons voulu prendre le relais et proposer un nouveau magazine gay avec une autre alternative éditoriale afin que la communauté ne disparaisse pas des kiosques. Nous avons donc pris une décision rapide et avons lancé le projet en 2 mois, avec une équipe toute nouvelle.
GAYVIKING : Vous vous positionnez comme le remplaçant de Têtu mais pourquoi ne pas avoir fait une offre de rachat l’année dernière ?
Christophe Soret : Nous avons suivi le dossier avec mon associé, mais très vite on a vu que les montants en jeu seraient trop importants d’une part et ensuite reprendre ce titre nécessitait au-delà de l’achat, d’autres moyens importants pour être au niveau de la qualité attendu par les lecteurs. J’ai donc préféré lancer un nouveau titre avec des moyens financiers plus humbles et des enjeux plus adaptés à notre petite structure.
GAYVIKING : Vos confrères médias sur internet ont été très perplexes sur le contenu rédactionnel de Garçon Magazine lors de votre sortie. Yagg.com et E-illico ont écrit qu’il y avait une confusion au sein de votre ligne éditoriale, que vous mélangiez article de presse et publicité commerciale. Qu’il s’agissait plus de publi-rédactionnel qui ne disait pas son nom… votre réaction ?
Christophe Soret : Nous aussi nous avons été très surpris par les réactions de ses bien-pensants, qui croient tout savoir et surtout du peu de confraternité dont ils ont fait preuve. La critique est légitime, l’acharnement moins. Pour faire simple et c’est notre modèle économique, nous avons des annonceurs LGBT (plus que d’autres médias), on les montre, on en est fier et on parle d’eux. Un publi-rédactionnel est un article vendu ; nous avons fait des articles sur nos annonceurs qui ont acheté des pages de pubs. Il y a là une différence… De plus nous avons tout lancé comme déjà dis en deux mois, cela entrainait des imperfections que nous avons corrigé au deuxième numéro. On est jeune, on apprend, on progresse et on ne juge pas les autres…
GAYVIKING : Quel bilan pouvez-vous tirer de ces deux premiers numéros… ce qui vous semble positif et à consolider et les corrections à apporter pour les prochains numéros ?
Christophe Soret : Je suis convaincu que notre ligne éditoriale, celle d’un magazine qui s’intéresse et met en avant les acteurs : politiques, associatifs, économiques, festifs, artistiques, qui font bouger le communauté, est une des options les plus intéressantes. C’est donc autour de la proximité que nous nous positionnons et que nous voulons évoluer. Nous avons donc entre le numéro un et deux, optimisé cet aspect au travers des cahiers régionaux, diversifié les articles par ailleurs plus denses et surtout impliqué encore plus de gens de la diversité LGBT.
GAYVIKING : Combien d’exemplaires du numéro 1 de Garçon Magazine ont été vendu et quel est votre objectif pour que vous vous disiez «le pari est gagné » ?
Christophe Soret : Les chiffres (au demeurant pas encore définitifs) restent pour l’instant confidentiels. Les sondages montrent des ventes très bonnes pour le numéro 1. Le pari est gagné si le magazine est rentable d’où l’importance de la publicité et des abonnements qui idéalement doivent couvrir nos dépenses. Cela permet aux ventes d’être les bénéfices afin de donner à Garçon Magazine plus de chance de se développer et de perdurer.
GAYVIKING : La marque Têtu est revenue sur le web et la nouvelle équipe espère pouvoir sortir un nouveau magazine papier… alors, vous en pensez quoi et avez-vous «peur» ?
Christophe Soret : Je pense que plus il y a de titre LGBT en kiosque plus nous attirerons de lecteurs ; c’est donc une force pour tous que l’emblématique Têtu puisse revenir. Nous ferons au mieux pour vivre notre propre histoire et nous les soutiendrons de notre mieux par ailleurs. On ne peut pas vouloir porter plus haut la communauté et souhaiter rester seul à le faire.
GAYVIKING : Qu’est-ce-que vous pourriez dire à un éventuel lecteur qui hésiterait à acheter Garçon Magazine ?
Christophe Soret : Nous avons fait un magazine qui lui ressemble, proche de ses préoccupations, parlant et valorisant des personnes de notre communauté qui sont proche de lui voir qu’il connait. Le magazine est facile de lecture, et aborde les sujets qui nous préoccupe de façon positive. Un peu de provocation, pas mal de photos de jolis garçons, des sujets sérieux et moins sérieux, bref il y en a pour tous les goûts et nous suivons de près les attentes des lecteurs !
GAYVIKING : Quels sont les projets de Garçon Magazine pour les prochains mois, que préparez-vous ?
Christophe Soret : Celui de se pérenniser bien sûr, de mieux coller à l’actualité de terrain de ceux qui valorisent notre communauté et de croître en notoriété. Les cahiers régionaux seront aussi mieux valorisés. Côté projet, nous voulons mettre plus de people en couverture et nous envisageons des hors-séries thématiques pour cet été.
GAYVIKING : Un dernier mot à ajouter ?
Christophe Soret : Oui : participez à l’aventure, soutenez nous abonnez-vous sur notre site internet www.garcon-magazine.com
FOCUS
Garçon Magazine est sorti dans les kiosques depuis depuis le 27 novembre 2105 et diffusé dans 4.800 points presse en France, Suisse, Belgique et Luxembourg. Le numéro 2 (février/mars 2016) est actuellement en vente.
D’environ 130-140 pages, Garçon Magazine est un bimestriel (parution tous les deux mois). Il est vendu 4,90 euros. Il est également disponible en version numérique sur le site du magazine (3,90 euros). Le mythique magazine Gai Pied avait été réimprimé et offert avec le premier numéro. L’équipe du magazine est composé d’une vingtaine de personnes notamment issues du magazine gratuit QWeek diffusé sur Paris, le grand frère de Garçon Magazine.
Site internet de Garçon Magazine
Page Facebook de Garçon Magazine
PRESSE LGBT EN FRANCE
En Kiosque
En dehors des magazines pour adulte ou photo-people (comme MMensuel et Friendly), Garçon Magazine est actuellement le seul magazine d’actualité gay grand-public en vente dans les kiosques. Les repreneurs de la marque Têtu réfléchissent encore à la possibilité de ressortir prochainement un magazine en kiosque.
Côté fille, il existe également un magazine lesbien : Well Well Well, il paraît deux fois par an.
En parallèle, dans de nombreuses régions française, des magazines sur la culture et l’info locale sont souvent mis à disposition gratuitement dans les établissements gay : Wag (grand ouest), LOM (sud-est), Hétéroclite (Lyon-RhôneAlpes), ou Qweek et Marcel (Paris)…
En ligne
Aux côtés de la presse papier, la presse LGBT est maintenant assez présente sur le web. Outre Yagg, Tetu (uniquement web), e-llico, il faut noter la présence de Jeanne Magazine, un magazine lesbien uniquement en vente au format numérique.
Enfin, on notera également le magazine 360° en version papier et numérique distribué en Suisse et en France frontalière qui traite régulièrement de sujets d’actualité locaux et internationaux.
Pour aller plus loin
Article Gayviking : Têtu, le pilier de la presse gay en France de 1995 à 2015 (lien gayviking)
Article Gayviking : Il faut sauver le soldat Yagg et l’info LGBT en général (lien gayviking)
Article Gayviking : GaiPied, être gay, il y a trente ans (1979-1992), la presse gay de l’époque (lien gayviking)
Article l’Express : Entre militantisme et divertissement, la presse LGBT tente de se renouveler (lien externe)