En 1997, Stéphan et Stéphane ont ouvert un bar Gay à Rouen : piste de danse avec DJ en sous-sol et backroom. Son : le XXL Bar. Stéphan est un ancien militaire, il dirigeait un hôtel-bar militaire de 400 personnes. Stéphane est barman depuis 17 ans; il a commencé avec sa mère à Saint-Malo.
Ces deux garçons nous font partager leurs expériences des débuts même s’ils ne sont plus ensemble aujourd’hui. Le premier a conservé le bar XXL, le second est partie pour de nouveaux horizons dans la Manche.
Nous avons voulu tout savoir … Comment ils se sont rencontrés, la particularité de s’établir en Province, le monde des affaires, mais aussi leur vision sur les revendications du monde Gay ? Interview, c’était en 1997…
Gayviking : Comment est venue l’idée d’ouvrir un bar Gay en Province ?
Stéphan : On a toujours habité dans la région. je travaille dans la restauration depuis 19 ans, et j’ai toujours voulu ouvrir un bar.
Stéphane : moi aussi, je n’a jamais quitté la Normandie. On s’est rencontré il y a sept ans dans un bar Gay à Rouen : le Cox (bloc house now), c’était le seul bar Gay de la région. On a tout de suite parlé « commerce ». Cela a été l’élément déclencheur.
Gayviking : Avez-vous rencontré des difficultés pour l’ouverture du Bar ?
Non, nous n’avons jamais eu de réelles difficultés. Pour l’administration, au moment de l’ouverture, on ne déclare pas « Bar Gay », on déclare seulement le nom du bar « XXL Bar-bar de nuit ». Le bar est aussi notre lieu d’habitation. On habite au-dessus. Pour le quartier, on n’a jamais eu de réactions homophobes.
Gayviking : Il y a un autre bar juste à côté… ?
Au début, le propriétaire a eu un peu peur quand il a vu l’ouverture d’un bar à côté du sien. Mais il a vite compris que l’on n’avait pas la même clientèle. Au moment de l’ouverture du bar, on a due refouler du monde qui ne correspondait pas à l’établissement. C’est normal, on devait montrer notre identité et bien marquer le pas à la porte.
Gayviking : Comment c’est passé l’ouverture du XXL ?
Le premier jour, on était « archi-plein » et on n’avait fait aucune publicité. Quinze jours à l’avance, on a parlé avec 2-3 personnes du milieu et très vite avec le bouche à oreille, la nouvelle s’est répandue très vite. Nous pensons qu’il y avait une véritable attente dans la région. On a fait sortir des gens qui ne sortaient plus.
Gayviking : Si on devait faire un portrait de la clientèle, comment serait-il ?
L’image de la clientèle est à l’image des patrons. C’est une clientèle Gay de tout âge…
Gayviking : Entre-nous, sans trahir un secret, on remarque qu’il y a des différences de classes d’âge en fonction des bars..?
Oui justement, mais l’esprit du XXL est de réunir tous les Gays de tout âge, de ne pas refouler les Gays qui avaient dépassés la quarantaine car il y a des établissements où cela se fait. C’est important qu’il y ait un mélange de culture : des jeunes de 18 ans, des p’tits minous c’est bien, mais aussi d’autres Gays de tout âge, c’est mieux. Cela évite les coupures et les cassures. Il y a une certaine intégration. Tout le monde dialogue avec tout le monde : des jeunes de 18 ans dialoguent avec des mecs de 40 ans et ça c’est important. On veut un espace chaleureux où des mecs ne regardent pas le prochain Gay qui va passer la porte d’entrée.
Gayviking : Enfin, c’est normal, quand on recherche… on regarde tout de suite l’éventuelle proie ?
(rires) Oui… mais on ne veut pas d’un endroit où tout le monde « se regardent comme une porte de prison ». Dans certains établissements, on a l’impression que des mecs viennent d’enterrer toute leur famille ou bien prennent un air coincé. Sinon, la clientèle est une clientèle d’habitués. On a aussi une clientèle de passage, beaucoup de touristes. Il faut dire que l’on est bien placé dans la ville. Il y a cinq hôtels dans la rue.
Gayviking : Vos sentiments sur les revendications du milieu homo, le PACS ?
Il faut qu’il évolue. C’est important pour la reconnaissance des couples homosexuels. Pour le bar, on a aussi des projets pour les « pacsés » : se serait bien qu’il y ait une petite cérémonie avec un diplôme et photos des deux mecs ou deux nanas.
Gayviking : Vos familles, comment réagissent-elles ?
On les a mis au courant la semaine qui suivait notre rencontre. Tout se passe bien. C’est Noël chez l’un, jour de l’an chez l’autre… et on inverse avec toute la famille. Au départ, on les a prévenu « c’est ça ou rien ». Tout se passe à merveille.
Gayviking : Il ne vous manque plus que des enfants ?
Avec le commerce, ce n’est pas possible, de plus il faut avoir les moyens. Ou alors un petit garçon de 18 ans (rires). Je connais des cas de célibataires Gay et Lesbiens qui ont adopté un enfant. De-même, un couple de Gays et un autre de Lesbiennes ont décidé de faire un bébé : on pense que c’est mieux. Le week-end à la campagne, ils se retrouvent tous les quatre avec le petit, et on voit bien que le gamin, c’est le plus heureux du monde. C’est bien que l’enfant sache très vite qu’il a deux papas et deux mamans. Mais ce n’est pas pour autant que l’enfant sera Gay. De-même, il est important que la législation française évolue très vite, il faut permettre aux Gays d’adopter des enfants. Mais aussi pour les couples mariés. Aujourd’hui, il y a pleins d’enfants qui sont en attente d’avoir une famille. C’est comme même malheureux de voir ça !
Gayviking : Vous habitez tous les deux au-dessus du bar, ce n’est pas difficile de gérer cette situation, faire la distinction entre votre privée et votre vie professionnelle ?
Oui c’est extrêmement difficile, on est 24h sur 24 dans le bar, il y a toujours quelque chose à faire.
Gayviking : L’avenir, vous le voyez où ?
Déjà, rembourser le commerce et pouvoir en vivre. Mais on aimerait bien plus tard ouvrir une discothèque dans la région ou ailleurs.
XXL Bar – 25, rue de la Savonnerie – 76000 Rouen (+infos sur le guide LGBT)
(article publié le 11 février 1998 sur OOups! par Fred de Gayviking – republié en mars 2002 sur Gayviking)