Régulièrement, vous pouvez voir ces quatre lettres SNEG dans les établissements gay de la région. Que cela signifie t’il ? Qu’est-ce-que ce sigle ? Rencontre avec Alex, 33 ans, délégué régional Normandie / Nord.
Gayviking : Tu es délégué des régions Normandie / Nord pour le SNEG, c’est quoi le SNEG ?
Alex : Le SNEG est le Syndicat National des Entreprises Gays. Il a deux missions : une mission de prévention contre le VIH et les IST et une mission syndicale. Pour cette dernière mission, il s’agit d’un soutien juridique aux adhérents du SNEG. L’idée de création du SNEG apparaît en 1989.
Avant cette année, il faut savoir que la distribution de préservatif ainsi que la documentation de prévention était interdite en France dans les établissements gays. De nombreux établissements parisiens ont subi des fermetures administrative car ils distribuaient des préservatifs contre l’épidémie du SIDA.
A la suite de ça, les établissements gays de Paris se sont regroupés et ont demandé à rencontrer le Préfet de Police de Paris, le Ministère de la Santé afin d’être autorisé à distribuer des préservatifs. A la suite de réunions assez houleuses avec les autorités, les établissements se sont constitués en associations afin de maintenir la pression sur les politiques pour obtenir cette autorisation.
Ainsi, le SNEG est né en juin 1990. Puis une circulaire est parue en 1992 autorisant les établissements à distribuer des préservatifs et de la documentation de prévention. La structure syndicale a été choisie afin d’y ajouter une défense juridique en faveur des établissements gays.
Gayviking : Les organisations professionnelles classiques ne pouvaient pas convenir ?
Alex : Non, car les entreprises gays ont une certaines spécificité comme par exemple, les dénonciations de nuisances sonores déguisées en homophobie… etc. Nous avons des avocats spécialement formés sur la question gay.
Gayviking : Comment as-tu été élu ?
Alex : Je n’ai pas été élu, je suis salarié du SNEG. Avant, je travaillais dans une boutique de vêtements à Rouen en tant que responsable de rayon. En discutant avec un patron de bar gay, il m’a dit que le délégué du SNEG allait arrêter (ndlr Christophe du sauna Equatorial à Evreux), et qu’il me voyait bien travailler pour le Syndicat.
Au début, j’étais assez retissant à l’idée de travailler dans le milieu gay. Je sortais dans le milieu mais de là à y travailler, il y avait une limite, sans compter la réaction vis à vis de ma famille. Puis je me suis lancé ce challenge et c’était parti. J’ai posé ma candidature et j’ai été sélectionné. Cela fera 3 ans en novembre que j’y travaille.
Gayviking : Quel challenge ! pourquoi s’investir autant ?
Alex : J’étais étonné de voir que peu de gens étaient informés sur la prévention et que les comportements à risque augmentaient. J’estime que l’information est primordiale dans le milieu surtout pour ceux qui découvre leur homosexualité. Les établissements gays représentent généralement le premier contact pour des jeunes ou moins jeunes avec d’autres gay. Ils connaissent donc leurs premiers émois sexuels. La prévention est donc fondamental.
Gayviking : Il y a beaucoup d’adhérents au SNEG ?
Alex : Il y a en France 1800 entreprises gays référence et 40% sont adhérentes au SNEG. En Normandie / Nord, mon secteur, il y a une cinquantaine d’établissements et la moitié sont adhérents.
Gayviking : Il existe ce que l’on appelle la Charte de Responsabilité, kesaco ?
Alex : C’est un document qui a été crée en 1995 à l’initiative du SNEG. Il donne un cadre aux établissements de sexe (sauna, sexe-club, bar avec backroom…) afin que la clientèle puisse accéder en toute liberté et gratuitement à la prévention qu’elle soit une prévention documentée ou matérielle comme les préservatifs, le gel…
Elle a été réécrite en 2002 en collaboration avec Sida Info Service, Aides et Act Up. Elle est un peu plus contraignante pour les établissements notamment sur la propreté et l’accès au matériel de prévention au sein des parcours sexuels. Je dispense aussi une formation médicale au personnel de ces établissements pour qu’ils puissent faire face aux interrogations de la clientèle et les orienter le cas échéant vers un médecin.
On peut être signataire de la Charte sans pour autant être adhérent au SNEG. Néanmoins que l’on soit adhérent ou pas, que l’on soit signataire de la Charte ou pas, j’ai pour mission de distribuer de la documentation sur la prévention dans tous les établissements (bars, saunas, boîte, sexe-club…). La Charte offre un cadre plus exigeant en matière de prévention pour que les usagers de ce type d’établissements puissent s’amuser en toute sécurité.
Gayviking : Cette Charte est contrôlée auprès des établissements ?
Alex : Oui. Si un établissement ne respecte pas la Charte, nous avons la possibilité (le collectif associatif), après avertissement, de lui retirer la Charte. Comme le SNEG communique sur les établissements signataires dans des revues, et magazines communautaires, la perte de la charte peut entraîner une chute de la fréquentation. Mais avant sanction, on essaye de discuter avec le patron, d’étudier la situation. De plus, la Charte contient des normes d’hygiène et comme nous travaillons avec la DDASS (Direction Départementale de l’Action Sanitaire et Sociale), nous avons des moyens de pression.
Gayviking : Le SNEG distribue gratuitement les préservatifs ?
Alex : Non, les établissements nous les achètent. Cependant j’en offre régulièrement lorsque les DDASS subventionnent des opérations comme celle du 1er décembre par exemple.
Le SNEG dispose d’une centrale d’achat pour fournir les préservatifs et les gels à prix coûtant. Nous distribuons 5 millions de préservatifs par an ! Nous avons crées les présentoirs spécifique à la prévention dans les établissements comme les distributeurs de préservatifs en forme de gouttière (une nouvelle présentation devrait bientôt arriver), mais aussi les petits bracelets où l’on loge la capote dans les saunas par exemple. Ça c’est gratuit pour les établissements. Quand un établissement ouvre, il a une panoplie complète d’outils de prévention à sa disposition.
Gayviking : On ne voit pas beaucoup le SNEG dans les festivités gays et lesbienne comme la gaypride ?
Alex : C’est vrai que le SNEG n’est pas beaucoup présent dans ce genre d’événement directement. Déjà je suis tout seul sur mon secteur, je ne vais pas défiler avec ma banderole. Néanmoins, à la demande d’un établissement adhèrent, je peux m’associer à lui pour une opération de prévention comme ce fut le cas avec un bar Rouennais cette année qui a distribué des préservatifs lors de la marche des fiertés.
Gayviking : Quels sont les rapports entre le SNEG et les autres associations ?
Alex : Dans le cadre de la prévention, je travaille avec Sida Info Service et Aides. Je distribue leur magazine (remaides) par exemple. Mais je travaille aussi avec des associations locales comme Spiritek dans le Nord en distribuant leurs plaquettes sur l’usage du préservatif et la lutte contre la toxicomanie.
Gayviking : Finalement, le terme de Syndicat est-il de trop ?
Alex : On fonctionne comme un syndicat bien que nous sommes un organisme régie par la loi des associations 1901 conventionnée par le Ministère de la Santé. La partie Syndicale fonctionne grâce aux adhésions et l’activité de prévention par les subventions du ministère de la santé. La distinction est clairement identifiée dans notre principe de fonctionnement.
Gayviking : Il y a Aides, Sida Info Service, des associations de lutte contre le sida, et le SNEG… Pourquoi ne pas se regrouper pour former une force de frappe associative de prévention et de lutte contre le SIDA ?
Alex : Déjà nous avons une mission spécifique sur l’assistance juridique. De plus d’autres associations comme Aides ont un champ d’intervention envers les gays mais aussi les heteros et les toxicomanes.
Le SNEG a été crée pour les homos. C’est notre spécificité. De plus, le SNEG n’a aucune revendication politique. Notre but principal est la prévention contre le VIH et les IST, et la défense des droits des commerces gays.
Gayviking : Le SNEG est adhérent au MEDEF (mouvement des entreprises de France) ?
Alex : Non, pas du tout.
Gayviking : Vous entretenez des relations avec d’autres organisations patronales ou syndicales ?
Alex : Oui avec la CSCA (Chambre syndicale des cabarets artistiques) pour ce qui concerne les réductions de droit à la SACEM pour les établissements. A titre d’exemple, un adhérent au SNEG a droit à un abattement de 30% sur ces droits à la SACEM.
Gayviking : Financièrement, comment cela se passe avec les établissements adhérents ?
Alex : Il y a une cotisation annuelle versée par les établissements adhérents. Il y a plusieurs types de cotisations annuelles. Cela commence à 60 euros notamment pour les établissements n’ayant pas de licence IV (vente alcool). C’est le cas souvent de patrons gay n’ayant pas de rapport avec le milieu gay mais qui souhaite soutenir les actions du SNEG, un boulanger ou un antiquaire par exemple. Après les cotisations dépendent aussi du soutien juridique. Les cotisations vont de 135, 270 voir 900 euros. Aujourd’hui, la moyenne est de 270 euros environ par an.
Gayviking : Comment est structuré le SNEG ?
Alex : Dans le cadre de la mission de prévention, Il y a 11 délégués régionaux, 1 délégué national, 2 personnes chargées de la communication. Ces 14 personnes sont salariées. A côté de ça, il y a en tant qu’association, un conseil d’administration composé de 14 administrateurs et un président élus par les adhérents.
Gayviking : Vous aidez à l’ouverture d’entreprises gays ?
Alex : Oui, nous avons des spécialistes, juriste sur la constitution d’entreprises.
Gayviking : Une dernière chose ?
Alex : Oui, cette année, le SNEG fête ses 15 ans d’existence au service de la lutte contre le VIH, la défense des droits des homos et du commerce gay, c’est pas mal je trouve !