Certes, il y a eu bien eu quelques représentations de l’homosexualité dans certains jeux, mais jouer avec un avatar ouvertement gay n’est pourtant pas encore au programme du prochain « Call of Duty ».
Mais alors, le jeu vidéo est-il homophobe ? Pour répondre a cette question, il faut d’abord en connaître le contexte…
A qui est destiné le jeu vidéo ?
A l’heure où ce média est devenu la première industrie culturelle en terme de chiffre d’affaires mondial devant le cinéma et la musique, force est de constater que son évolution intrinsèque est encore loin de faire l’unanimité. Le jeu vidéo est un véritable vivier d’expérimentations en tout genre. Pourtant, peu nombreux sont les développeurs ayants intégré une sexualité alternative dans leur œuvres. Et ne parlons même pas de la représentations des transsexuels, quasi-inexistante.
Depuis les années 2000, certains spécialistes se penchent sur la visibilité de l’homosexualité dans les jeux. Il en résulte une constante simple : pour faire de l’argent, il faut s’adapter au joueur lambda !
Ce dernier a en général entre 15 et 35 ans, est de type caucasien, et est surtout hétérosexuel ! Comme au cinéma, il aura fallu attendre pas mal d’années avant qu’un héros de jeu vidéo soit une femme ou soit d’origine africaine.
Le cas Lara Croft
Lara Croft est d’ailleurs l’exception qui confirme la règle. Elle est aujourd’hui la seule véritable héroïne ayant connu un succès retentissant. Pour ne rien gâcher, cette aventurière avait tous les attributs pour plaire aux jeunes mâles de l’époque. En 1996, le jeu vidéo est encore considéré comme un « jouet ». Outre l’aspect technique incroyable du jeu, y incarner une femme à forte poitrine était en soit une révolution.
Elle a d’ailleurs été la source de nombreux débats au sein même des associations féministes : trop « bimbo » pour certaines, une vraie femme forte pour les autres.
Mais chez les éditeurs, pour qu’un jeu fonctionne, l’avatar se doit d’être un homme viril, fort, macho… Tout le contraire de ce qu’un homosexuel représente dans les médias de l’époque. Cette « tradition » est malheureusement encore de mise aujourd’hui.
L’homosexualité dans le jeu vidéo, un marché de niche ?
D’un coté, il y a l’identification du joueur et de son avatar. De l’autre, nous avons les nombreuses associations (de type Familles de France pour ne pas les citer). N’oublions pas que le jeu vidéo est encore aujourd’hui la cible permanente des conservateurs. Ces derniers le jugent toujours comme un passe temps à destination des jeunes, ce qui est un véritable doigt d’honneur aux artistes qui les réalisent. Les développeurs doivent donc se battre en permanence pour ne pas être frappés d’interdiction dans certains pays. Pour se faire, il faut donc rentrer dans le moule et proposer un jeu qui convienne à monsieur et madame tout le monde, tout en visant le potentiel financier le plus large possible. Dans ces conditions, incarner un héros homosexuel est tout… sauf vendeur !
Laisser le choix aux joueurs
Mais tout n’est pas sombre au pays du pixel (et heureusement). Depuis quelques années, certains studios comme Bioware utilisent la méthode subtile du libre arbitre pour insuffler un peu de diversité dans leurs productions.
Ainsi, dans le jeu Mass Effect, votre héros peut être hétérosexuel, homosexuel, ou même bisexuel… L’histoire n’étant pas écrite à l’avance, ce sont vos décisions qui feront de vous l’avatar que vous désirez être (bon ou mauvais). Si votre avatar est un homme, la possibilité de draguer ouvertement la gente masculine est tout à fait possible. Ce libre arbitre à été implémenté dans plusieurs des productions du studio, laissant le choix au joueur d’écrire sa propre histoire.
Bien que l’homosexualité ne soit pas du tout imposée dans ce jeu, elle reste un choix à part entière de manière totalement naturelle. Pour Bioware, ce type de sexualité est considéré comme normal et il était donc par conséquent obligatoire de l’intégrer. Malgré cela, de nombreuses associations, principalement chrétiennes, ont déposés plusieurs plaintes aux Etats-Unis pour essayer de faire interdire le jeu (en vain…).
Bioware a même été plus loin dans son jeu basé sur la célèbre licence Star Wars (The Old Republic). Constatant que les homosexuels étaient souvent la cible d’homophobie sur les jeux en ligne, le studio a décidé de créer une planète entièrement dédiée aux joueurs LGBT. La polémique est aujourd’hui retombée, mais le studio reçu à l’époque un véritable raz-de-marée d’insultes et même des appels au boycott.
La lente évolution de la société
Il faudra attendre 2014 pour que le jeu The Last of Us : Left Behind (du studio Naughty Dog) nous montre une héroïne ouvertement lesbienne. Et encore, il s’agit d’une « extension » à acheter séparément. Le héros du jeu original est, lui, blanc et hétérosexuel. Il faut cependant saluer le geste. Avec plus de 17 millions d’exemplaires vendus dans le monde, réaliser un épisode où l’on incarne une femme, lesbienne de surcroit, allait pourtant à l’encontre totale des règles du marché.
Vous l’aurez compris, il y a encore un long chemin à parcourir avant de pouvoir incarner des héros homosexuels dans les jeux vidéos. La bonne nouvelle, c’est que certains studios incluent désormais d’office la possibilité du libre arbitre mais ils sont encore très peu nombreux. Les choses évoluent doucement mais sûrement…
La preuve, même Ubisoft avec sa célèbre saga Assassin’s Creed va désormais laisser le choix au joueur d’incarner un homme ou une femme… dont la sexualité n’est pas définie par avance. Avec une dizaine de jeux édités depuis 2007 pour cette série, il était temps !
Pour aller plus loin…
En 2013, le site français Gamekult s’est penché sur la question de l’homosexualité dans le jeu vidéo. Il en résulte un documentaire qui résume parfaitement la situation.