(cliquez, écoutez, découvrez… )
En France, comme partout dans le monde occidental, la parole se libère mais doit encore jouer avec la censure. Si Juliette Gréco traite encore le sujet sur un ton humoristique avec ses Pingouins et ses Pingouines, Charles Aznavour aborde le sujet de manière plus sensible avec « comme ils disent ».
Dalida, grande égérie gay
Mais, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, le milieu homosexuel de l’époque ne s’approprie pas ces deux chansons qui abordent frontalement le sujet… peut -être de manière trop directe. La sortie du placard sera progressive et la maxime « pour vivre heureux, vivons cachés » a encore une majorité d’adeptes.
En revanche, il n’en est pas de même pour la chanson de Dalida « Pour ne pas vivre seul » en 1972. Dalida est déjà très appréciée chez les gays qui constituent l’essentiel de son public lors de ses concerts. Avec son frère Orlando, ils sont au centre de la vie gay parisienne. Dalida deviendra une des plus grandes égéries gay en France bien avant Mylène Farmer.
D’autres artistes francophones aborderont le sujet de l’homosexualité dans leurs chansons, parfois de manière négative à la limite de l’homophobie comme « Le Rire du Sergent » de Sardou, parfois de manière plus positive. Mais cela ne les empêchera pas de faire un bide auprès du public gay. Ce dernier ne jugera ces artistes peut-être pas suffisamment concernés par le sujet pour devenir leur porte-voix.
Rock psychédélique, Glam rock abordent le sujet de l’homosexualité
Le début des années 70 voit la montée en puissance de la musique anglo-saxonne.
En 1971, un film français de Sergio Gobbi « Un beau monstre » met en scène le très beau Helmut Berger dans un rôle ambigu, puisqu’il séduit les femmes pour les pousser à la mort et fréquente de beaux homosexuels. La musique du film, et en particulier « Stay », est interprétée par les « Wallace Collection » groupe belge anglophone. Ce titre marquera quelques adolescents en interrogation sur leur sexualité…
Lou Reed et David Bowie
C’est à cette époque que quelques artistes anglophones homosexuels ou bissexuels, comme Lou Reed ou Elton John, mais aussi David Bowie vont rencontrer très vite le public gay.
Pour l’américain Lou Reed, il n’est pas identifié comme un chanteur homosexuel. Mais plus que tout autre, il est légitime lorsqu’il aborde le sujet. À 17 ans ses parents lui ont fait subir des séances d’électrochoc pour détruire ses penchants homosexuels. Il n’en sera jamais guéri mais à jamais traumatisé par ces traitements qui ont détruit sa santé. Son tube planétaire « Walk on the wide side » aborde le sujet par de nombreuses références à l’univers d’Andy Warhol et de ses icônes trash : prostitués, transsexuels, drogués… Les références étant réservées à un public très averti et dans un langage poétique, la chanson échappera à la censure, surtout à l’étranger. Elle sera totalement incompréhensible du grand public qui ne retiendra que son rythme jazzy et envoutant.
David Bowie, au début des années 70, ne craint pas de se déclarer ouvertement bissexuel. Son personnage Ziggy Stardust est à la fois extraterrestre et androgyne. En 1974, Bowie abandonne Ziggy Stardust mais continue à jouer sur l’ambiguïté des genres dans « Rebel Rebel » : une maman a la tête qui tourne car elle ne sait plus si son enfant est un garçon ou une fille. Le répertoire de Bowie jouera encore longtemps sur ce mélange des genres. Cet artiste occupera toujours une place particulière dans l’univers musical des gays.
Elton John
Plus compliquée fut la position de Elton John. Celui qui se mariera bien plus tard avec un homme, a encore du mal à assumer son homosexualité pourtant évidente même à cette époque. Dans « Some One Saved my Live tonight » il fait allusion à sa tentative de suicide lorsque, sous la pression sociale, il faillit s’engager dans un mariage hétérosexuel en 1968. Son ami Long John Baldry le dissuada de se marier et le sauva du suicide. Cette chanson est assez significative du dilemme qui hantait beaucoup d’homosexuels de l’époque : assumer leur homosexualité ou vivre dans le mensonge en se mariant avec une personne du sexe opposé.
La libération des mœurs et l’amour libre prônés par mai 68 et le mouvement hippie mettra encore une bonne dizaine d’années avant d’avoir des conséquences tangibles sur l’acceptation de l’homosexualité par la société et par les homosexuels eux-même.
En 1975, les prémices du disco arrivent dans les nouveaux clubs gay qui viennent d’éclore dans toutes les capitales européennes. «I was born this way» par Valentino est un des premier hymne disco pour une homosexualité décomplexée et libérée. « No matter gay, straight, or bi Lesbian, transgendered life I’m on the right track baby »
A partir de ce moment, la seconde moitié des années 70 verra une explosion de la culture gay dans la musique et l’abandon des paroles ambigües au profit d’affirmation de sa sexualité sans détours. Ce sera l’objet de notre prochain article.