Gay et de droite mais réaliste (témoignage Nicolas Zuili)

gayviking-droite-gay(article publié le 3 janvier 2015)
Faire de la politique c’est choisir son camp. Quand on est gay et plus penché à Droite qu’à Gauche, c’est un peu faire un deuxième coming-out. Beaucoup ne comprennent pas ce positionnement. Les mauvais coups sont partout et même dans son propre parti. Nicolas Zuili, la quarantaine, fait parti du monde politique local sur Rouen en Normandie. Anciennement élu local, aujourd’hui un peu en retrait de la vie politique, il se positionne à droite… ou plus exactement au Centre. Il nous livre une tranche de sa vie politique. Nicolas Zuili est un homme libre mais réaliste qui n’hésite pas à remettre en cause le comportement de sa famille politique. Être gay et de droite, c’est pas toujours facile… Témoignage…

 
nicolas-zuili-4GAYVIKING : Pourquoi s’être engagé sur l’échiquier politique à droite ?
Nicolas Zuili : Je ne me suis pas engagé à droite, mais au centre. C’est une différence notable, même si pour beaucoup parler de centre sous entend nécessairement centre droit.
Pourquoi ? Disons que je ne fais pas partie de ceux qui disent y a qu’à, faut qu’on.. Alors soit on passe son temps à critiquer, ou alors on décide de se retrousser les manches et d’essayer d’apporter sa pierre à l’édifice. Alors si je devais résumer, je me suis intéressé à la politique depuis de nombreuses années, et ai adhéré à l’UDF au début des années 90. J’y suis resté jusqu’en 1998, date à laquelle j’ai rendu ma carte, n’acceptant pas, comme républicain, l’attitude de mon parti lors de du débat sur le PACS. On pouvait être contre, mais pour autant, il était inadmissible à mes yeux d’obstruer le débat par une prise de parole pendant plus de quatre heures avec la bible comme principal argument.
nicolas-zuiliJ’y suis revenu fin 2003, après avoir rencontré Hervé Morin, alors président de groupe UDF réduit à une vingtaine de députés à l’Assemblée nationale, mais qui bataillait dur contre le gouvernement de Villepin, sans pour autant dédouaner la Gauche de certaines de ses responsabilités. C’était l’époque des Bédouins, une période où le Centre était vraiment présent. S’en suivirent les élections régionales de 2004, la passage de l’UDF au Modem en 2007, puis les municipales de 2008, où avec mes camarades du groupe centriste, nous avons essayé de donner une autre image du centre ; celle du dialogue, de la tolérance, du respect, de l’ouverture, en n’étant pas nécessairement opposé à tout ce qui était proposé par la majorité de Gauche, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Ne retrouvant pas ces valeurs je n’ai pu soutenir le candidat mis en place par le seul fait du prince par la sénatrice de Seine Maritime (Catherine Morin-Desailly ndlr), en totale illégalité avec les statuts de ce qu’il convient d’appeler aujourd’hui l’UDI, j’ai soutenu, avec la quasi totalité de mon groupe, le candidat de l’UMP que je n’étais pas le seul à juger beaucoup plus modéré et plus en phase avec ma façon de voir les choses.
 
election-gay-vote2GAYVIKING : A Gauche, il y a HES (Homosexualité et Socialisme, proche du Parti Socialiste), mais à droite, les structures politico-associatives, gays et lesbiennes, sont plutôt inexistantes… pourquoi cela ? Seriez-vous intéressé pour adhérer à une telle structure ?
Nicolas Zuili : A droite les choses sont beaucoup plus compliquées. D ‘abord parce que le militantisme qui est une force à Gauche, est moins présent sur la droite de l’échiquier politique, et que les questions sociétales, qui sont des marqueurs de gauche, sont traitées différemment à droite, mais aussi au centre, victime de son héritage « démocrate chrétien ». Il y a des choses dont on parle moins, et l’homosexualité en fait partie. HES a le mérite d’exister et d’être une force de proposition, pour autant, même si je veux bien prendre en compte les propos de son président local sur une possible différenciation d’avec le PS, je lui rappellerait que rien que dans HES c’est homosexualité et …« socialisme » . Difficile pour les non socialistes d’y exister, sauf à se faire préempter. L’UMP a eu Gaylib, pas sûr pour autant que la structure continue vraiment à fonctionner, sans pour autant lier cela au départ de l’un de ses fondateurs vers le Front National.
Pour ma part, je pense qu’une structure civile, rassemblant différentes sensibilités politiques, devrait être plus à même de fédérer et de porter des propositions, sans avoir l’impression d’être récupéré, en pouvant, par cette indépendance, travailler avec des élus de droite, comme de gauche.
 
manifeste-lgbt-poing-rainbowGAYVIKING : Lors de vos interventions dans le « milieu » gay et lesbien, votre positionnement politique à droite a parfois suscité de vives réactions notamment de la part d’associations LGBT. Alors est-il difficile aujourd’hui d’être gay et de droite ?
Nicolas Zuili : Certainement. Le débat des dernières élections municipales est là pour le rappeler. D’abord parce que ceux qui se déplacent sont certainement plus militants et attendent beaucoup des politiques. Pour ma part, si je comprends l’impatience et le ras le bol de certains, j’ai toujours essayé d’avoir le sens du vivre ensemble, sans opposer les uns aux autres, en essayant de faire accepter les différences, sans brusquer. C’est difficile, et on pourrait se dire que parce qu’on est face à un auditoire on pourrait promettre tout ce que celui-ci voudrait entendre. Telle n’est pas ma façon de faire. Je me suis fait huer par certain lors de mes propos disant que je ne pouvais pas dire que tous les élus célèbreraient des mariages pour des couples de même sexe, sachant qu’un refus serait masqué dans le secret du bureau du Maire. Pointé du doigt par des élus de Gauche, je remarque que cela s’est pourtant bien passé dernièrement dans une commune de Gauche, parce que l’élue devant célébrer le mariage s’était faite remplacer par quelqu’un d’autre ne disposant pas de l’autorité civile. Résultat, le mariage est aujourd’hui considéré comme nul. Dans cette histoire, j’ai simplement essayé d’être honnête, mais face à cet exemple, j’ai eu hélas raison.
 
Panneau-droit-et-droiteGAYVIKING : Les gays et lesbiennes pourront-elles compter un jour sur un gouvernement de droite ou de centre-droit pour continuer à faire évoluer la législation en faveur de la communauté LGBT (PMA, Trans, GPA… ) ?
Nicolas Zuili : La démocratie veut que l’alternance est possible. Je rappellerai l’évolution fiscale et patrimoniale du PACS très limitée en 1999 avec le gouvernement Jospin puisqu’on rappellera qu’il fallait alors attendre trois ans de vie commune pour pouvoir bénéficier d’une imposition commune, quand il n’en fallait attendre qu’un seul dans le cadre de l’imposition sur la fortune. Allez comprendre…. L’égalité de traitement apparaîtra quoi qu’en puisse dire la Gauche, avec Nicolas Sarkozy, d’abord Ministre des Finances puis Président de la République.
Aujourd’hui les choses sont beaucoup plus compliquées avec la droitisation de la société française : aujourd’hui le PS au pouvoir fait une politique centriste et l’UMP court après les électeurs du Front National. De trois grandes familles ( PS-Centre-UMP) on est passé à partir de 2010 à 3 autres, le PS, l’UMP et le FN.
Si on rajoute à cela le lobbying de la Manif pour Tous depuis la loi Taubira, et une crise économique profonde clivant davantage la société française, on comprend, qu’avec un gouvernement de droite, les évolutions sociétales passeront hélas au second plan, ne serait-ce déjà que pour ne pas s’aliéner l’électorat le plus conservateur.
 
refuge-manif-pourtousGAYVIKING : Comment avez-vous vécu les débat sur le mariage et les manifestations de la Manif Pour Tous en France ?
Nicolas Zuili : j’ai toujours été clair durant ce débat, comme je l’avait déjà été lorsque j’étais délégué départemental de l’UDF en 2005 face aux propos de Franck Meyer et de l’association des Maires pour l’Enfance, en prenant position favorablement, en regrettant toutefois qu’on ait choisi le terme de mariage plutôt que celui d’union civile. Ça peut paraître ringard, ou frileux, mais je pense que cela aurait coupé l’herbe sous le pied aux adeptes de la manif pour tous et limité toute cette charge homophobe qui en a découlé sans changer l’égalité et le contenu de l’engagement.
 
GAYVIKING : Le nouveau président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, a déclaré qu’il abrogerait la loi Taubira sur le mariage pour tous et l’adoption. Si la droite revient au pouvoir, pensez-vous qu’il va le faire ?
Nicolas Zuili : on peut toujours tout imaginer, pour autant, ce sera difficile. 60% des français sont pour le mariage. Maintenant il va falloir m’expliquer comment on compte faire pour « démarier » ceux qui seront passé devant l’officier d’état civil . Il faudrait que cela soit avalisé par le Conseil Constitutionnel, et même après cela, il y a la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
 
elu-mairieGAYVIKING : La vie politique ne vous manque pas ? Pensez-vous un jour vous réengager dans un combat électoral ?
Nicolas Zuili : j’ai passé 10 ans de ma vie à essayer de faire de la politique, par conviction et pas pour en faire une profession. J’ai un énorme problème, c’est que je mets toujours de l’affectif dans ce que je fais. Et en politique, c’est un énorme handicap. Pour ma part, j’ai effectué mon unique mandat dans le respect des individus. Cela m’a d’ailleurs porté préjudice, puisque pour certains de ma famille politique, je n’aurais pas été assez opposé à la Gauche. Mais de ça, j’en suis plutôt fier, car pour moi , faire de la politique, c’est se mettre d’abord au service de la collectivité plutôt qu’à celui des partis politiques, comme c’est hélas devenu le cas aujourd’hui. Sur ce plan là, les démocraties nordiques ou même allemande, sont beaucoup plus saines, et correspondent plus à ce qu’attendent les citoyens. Cela permet d’avancer socialement, et économiquement.
Aujourd’hui, je me suis mis volontairement en marge du milieu politique, même si celui-ci continue toujours à m’intéresser. Pour autant, difficile d’oublier les indélicatesses et les propos tenus par certain(e)s de ma famille de pensée parce que je n’obéissais pas à la sénatrice en place.
Alors revenir pour revenir, non, mais aider à un projet collectif, et parce que j’aime ma ville et que j’ai toujours des convictions, oui. Mais pas avec n’importe qui.
 
gay-droite-cacher-secretGAYVIKING : Conseillerez-vous à un homme gay ou une femme lesbienne de faire son coming-out en politique ?
Nicolas Zuili : Ça, c’est à chacun de décider ce qu’il a envie de faire. Personnellement, je dirai que c’est d’abord une question de vie privée. Maintenant de la à en faire une marque de fabrique ou un étendard, au risque de passer pour le faire valoir gay friendly d’un parti politique, j’avoue que ça n’est pas trop mon truc. A titre personnel, j’ai toujours été en phase avec moi-même. C’est à double tranchant. Cela aura permis à certains de l’UDI lors des dernières élections d’aller draguer la droite forte en mettant en doute les « valeurs de l’UMP » qui mettait un homosexuel en 3e position, aidé en cela par certains UMP qui voulaient faire la peau de Jean François Bures, jugé par eux pas assez à droite. Pitoyable.
Pour le coup c’en serait presque à reprendre la phrase de Jean Luc Roméro qui dit « qu’un gay qui vote à droite, c’est un peu comme une dinde qui vote pour Noel ».
J’avoue que depuis, je médite.
 

Pour aller plus loin…

Blog de Rouen Perspectives : rouenperspectives.hautetfort.com
Page Facebook de Nicolas Zuili (cliquez ici)
HES – Homosexualité et Socialisme veut peser sur le débat – décembre 2014 – article GAYVIKING (cliquez ici)
Peut-on être de gay et de droite (témoignage UMP – octobre 2008 – article GAYVIKING) (cliquez ici)

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