(article publié le 24 avril 2009)
Il ne s’agit pas d’événements d’un « autre âge », il ne s’agit pas de dire « c’est du passé, c’est loin ». Il s’agit d’homophobie d’hier et d’aujourd’hui.
La cérémonie de souvenir de la déportation homosexuelle se déroulera le dimanche 26 Avril 2009 en Normandie et comme partout en France.
* A Rouen : le rendez-vous aura lieu devant le donjon (en haut de la rue Jeanne d’Arc) à 11h15. Un dépôt de gerbe aura lieu par des membres de l’association Lgbt Rouennaise Le Collectif Comme Ca et toutes les personnes intéressées, comme chaque année en souvenir de la déportation des personnes homosexuelles. Une parole civile et laïque sera dite, comme l’an dernier par la représentante de la Mairie de Rouen.
* A Caen : le rendez-vous aura lieu place de la Résistance à 10h30. Un dépôt de gerbe aura lieu par les associations LGBT de Caen (Les Enfants Terribles, Melting Pomme, la MDD – Centre gay et lesbien normand) ainsi que toutes les personnes intéressées, comme chaque année en souvenir de la déportation des personnes homosexuelles. Contrairement à la capitale Haut Normande les associations Caennaises constatent qu’à » Caen, aujourd’hui encore nous sommes écartés de la cérémonie officielle. Pour le Préfet et les associations d’Anciens Combattants, « aucune déportation homosexuelle n’a eu lieu sur le territoire français et par conséquent aucun souvenir à perpétuer. » Ce qui est une erreur historique. Jusqu’à quand serons-nous victimes de telles discriminations ? »
Comprendre ce que cela signifie :
Après la guerre, la très grande majorité des déportés homosexuels a disparu dans l’anonymat. L’absence de reconnaissance officielle de cette déportation spécifique, l’absence jusque dans les années soixante-dix d’un militantisme homosexuel constitué, le silence des intellectuels et le peu d’intérêt des chercheurs et des historiens pour « une question qui n’existe pas » ont longtemps occulté une réalité qui s’est peu à peu estompée dans la mémoire collective.
Dans les camps nazis, les déportés homosexuels doivent porter un triangle rose, pointe tournée vers le bas, qui les identifie comme tels. La hiérarchie concentrationnaire les place au plus bas de l’échelle sociale des camps, ce qui ne leur permet guère d’entretenir des relations d’entraide avec les autres déportés et d’améliorer ainsi leurs chances de survie.
Qu’importe le chiffre, qu’il y ait eu 2000 déportés homos, 200 ou même un seul. La question doit être posée.
Notre génération lisant ses quelques lignes doit se sentir concernée.
Le simple fait de dire que la déportation homosexuelle n’a pas existé est un acte homophobe.
Le fichage des homos par la police française avait déjà commencé avant la seconde guerre mondiale. Pendant l’occupation, le gouvernement de Pétain a transmis volontairement ce fichier. Arrestations après arrestations, les homosexuel(le)s ont été déportés. Le gouvernement de Vichy a promulgué une loi interdisant tout rapport sexuel entre deux personnes de même sexe sous peine d’emprisonnement.
A la libération, le Général de De Gaulle a confirmé cette loi. En 1960, ce même gouvernement a renforcé les dispositions contre les rapports homosexuels. Il a fallu attendre 1981 avec l’arrivée de la Gauche au pouvoir pour abolir ce délit d’homosexualité.
Les insultes et agressions homophobes ne sont pas anodins, l’histoire est liée. Renier ce qui s’est passé entre 1939 et 1945 c’est avaliser la législation contre les actes homosexuels, c’est rendre légitime l’homophobie.
Reconnaître la déportation homosexuelle est un acte citoyen contre l’homophobie.
Pendant longtemps et notamment à Rouen et à Caen, la communauté homosexuelle est humiliée par de nombreux élus et associations de déportés, piétinant les fleurs et arrachant les rubans de la commémoration. Je me souviens des insultes et des crachats pendant la cérémonie. Des moments très durs. Aujourd’hui dans les deux capitales régionales, les autorités locales participent et reconnaissent la déportation homosexuelle même si, encore, des quolibets peuvent se produire par un certains public. Mais dans de nombreuses ville la déportation homosexuelle n’est toujours pas reconnue.
Ce n’est pas un combat d’arrière garde. Il est vrai que la déportation homosexuelle s’est passé il y a plus de 60 ans, mais les démons n’ont pas disparu : agression après agression, l’homophobie et la haine n’ont pas changé.
Se battre pour la reconnaissance de la déportation homosexuelle c’est se battre pour ces hommes et femmes victimes d’homophobie. C’est bien connu, si on n’a pas de passé, on n’a pas d’avenir.
Se battre pour la reconnaissance de la déportation homosexuelle c’est se battre pour l’avenir, contre l’homophobie d’aujourd’hui et de demain.
Plus d’infos :
En 1994, un déporté français en raison de son homosexualité a décidé de raconter son histoire.
Il s’appelait Pierre Seel. Il est décédé en novembre 2005.
Son témoignage est bouleversant.
Un livre à lire absolument : Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel.
voir également un téléfilm diffusé sur France 2 « un amour à taire »
Plus d’info : voir le site « devoir et mémoire » (ici)
voir article sur le Monument allemand à la mémoire des victimes du nazisme (ici)
voir autre article sur Pierre Seel (ici)