#MeTooGay la communauté LGBT face aux violences sexuelles. La peur doit changer de camp

Les témoignages n’en finissent pas. Des paroles, autrefois emprisonnées, se libèrent. Les réseaux sociaux découvrent un nouveau hastag : #MeTooGay. Les violences sexuelles existent aussi dans la Communauté Gay.
#MeTooGay
(photo PixelsShot Canva)

L’étincelle…

Tout commence le 21 janvier sur le réseau Twitter et la mise en accusation d’un élu parisien ainsi que de son compagnon par un internaute.
Lors d’une rencontre, le couple aurait abusé sexuellement d’un autre garçon. Le couple conteste vigoureusement et accuse le jeune homme de calomnies. Les tribunaux se prononceront prochainement. Toutefois, cette « affaire » est l’étincelle qui allume le brasier. La parole se libère.
Des milliers de messages sont postés sur Twitter. Des messages d’anonymes et  aussi des têtes connus. Le hastag #MeTooGay met en lumière les violences sexuelles dans le milieu LGBT et plus spécialement dans le monde gay masculin.

Témoignages

Violence dans le couple

Thibault de Lyon. « J’avais entre 21 et 23 ans. On était en couple et selon lui « ce n’est pas normal de ne pas faire l’amour tous les soirs ». À force de chantage et de menaces il avait ce qu’il voulait presque à chaque fois malgré que je ne sois pas d’accord #MeTooGay »
Geoffrey, 27 ans, réalisateur : « J’avais 20 ans. C’était mon mec. Je l’aimais. Il m’a drogué, et m’a violé avec son pote. Je pensais que c’était la fin pour moi. J’ai dû tout reconstruire dans ma vie en apprenant à reprendre confiance aux gens qui m’entourent. (…) j’aimerais faire comprendre aux victimes qu’elles ne sont pas seul et qu’on les croit. J’aimerais aussi arriver à le dire à mes parents. »

Agression
(photo Urbanzone GettyImages Canva)
Maël, raconte : « c’était toujours le matin, je ne réagissais pas aux avances dans le lit en espérant qu’il arrête d’insister, je me retournais pour signifier le non, je cédais en faisait le mort pour éviter les disputes, c’était mon petit ami »

Harcèlement au travail

Alexis Thiebaut, parisien, chroniqueur radio. Il écrit : « Un de mes premiers boulots. J’étais chroniqueur dans son émission sur SudRadio… avant chaque émission, il mettait de force sa main dans mon pantalon pour « rigoler ». C’était mon employeur. Je n’ai pas su réagir. (…) Régulièrement, il m’envoyait des SMS avec des photos de son sexe. Ça le faisait beaucoup rire. Moi non. »

Viols sur un enfant

Nicolas Martin, producteur à France Culture raconte les viols qu’il a subis. « #metoogay J’avais 11 ans, et un corps d’enfant. Il en avait 16 et demi et un corps d’adulte. Ça a commencé par du chantage. Puis par des pénétrations forcées, de l’humiliation, et du dégoût a mesure que mon corps devenait pubère. Ça a duré 6 ans. »
Christophe Gascard, journaliste à France Info, écrit : « J’avais 7 ans. Lui était majeur. Ça a duré un été, sans comprendre ce qui se passait. Emprise. Puis le silence ! Oui le hashtag #metoogay est nécessaire. Des mots sur des souvenirs douloureux. Un début de guérison pour certains, une dose de courage pour les autres. A cet âge le mot « viol » ne se comprend pas. C’est plus tard que l’on prend conscience et que l’on se mure dans le silence. Il n’était pas de ma famille : chacun a son chemin, sa propre histoire. Mais aujourd’hui la libération de la parole est nécessaire afin que la société puisse mieux protéger. « 

agression sexuelle
(photo PixelsShot Canva)

Des rencontres qui tournent mal

Amandil, 31 ans, habitant au nord de Paris raconte… « A toi, ce mec qui est venu chez moi entre deux trains et qui n’a pas écouté mes «STOP », mes arrêtes et qui m’as laissé en PLS sur le sol de mon entrée, dans ma salive et mon sang : j’ai survécu ! ».
Jérémie : « Difficile de raconter mais c’est, je crois, nécessaire. Alors voilà : la capote a craqué, je lui ai demandé d’arrêter et il n’a pas voulu, j’ai réussi à m’échapper de son appart, sous ses insultes. J’ai couru aux urgences pour un traitement post exposition. #metoogay . Je mesure en partageant cette petite histoire la difficulté de témoigner, de dire l’intime publiquement. Je le fais parce que la honte doit changer de camp, parce que des agresseurs me liront peut être et réfléchiront aux conséquences de leurs actes. »

… tout « simplement », un viol

Guillaume : « #MeTooGay C’était un plan parmi d’autres. J’ai dit stop. Il n’a pas arrêté et j’ai eu mal. Pas la force physique pour me dégager. Ce n’était pas très long mais suffisamment pour m’en souvenir. C’est moins grave que ce que je lis ici depuis hier mais suffisamment pour l’écrire. »
Tom de Lyon, 20 ans aujourd’hui : « 18 ans, première relation sexuellement, ça m’a fait mal j’ai dit stop, il m’a dit « laisse toi faire » je lui ai dit arrête il m’a dit « ferme ta gueule » et s’est allongé sur moi pour plus que je bouge »
Louis de Lille : « J’avais 19 ans. Il m’a forcé à boire. Il m’a violé malgré mes cris et la douleur, rien ne pouvez l’arrêter. Je n’oublierai jamais cette horreur. Depuis, j’ai avancé. J’ai trouvé un homme merveilleux dont j’ai la chance de partager la vie depuis 3 ans. »

agression et viol
(photo Vladans, GettyImages Canva)
Kevin de Paris : « C’était un ami d’ami-es. Il a insisté pour rentrer avec moi après une soirée. Je n’ai pas osé dire non. Dans le lit je lui ai dit que je voulais arrêter. Il a fini par répondre « j’ai envie de te violer ». Et il a continué. Au matin je me sentais sale. #MeTooGay »

À l’origine 

#MeTooGay est l’équivalent gay du #MeToo féminin et de #MeTooInceste après la publication du livre de Camille Kouchner dénonçant les violences sexuelles d’Olivier Duhamel sur son frère.
L’expression « MeToo » est lancée en 2017 par Tarana Burke après l’affaire Weinstein. Cette expression dénonce le harcèlement sexuel, les viol, les attouchements, les agressions sexuelles.
Aussi, il ne faut oublier que près de 90% des victimes d’agression sont des femmes.

Les barrages ont cédés

Ces cris sont nécessaires. Ces hastags sonnent comme des libérations. Pour toutes ces personnes, ils font l’effet d’un deuxième coming-out. Une parole restée bloquée depuis des années, dans une société où l’homophobie règne indiscutablement.

Mouvement Metoo
(photo Thainoipho)
Les agressions sexuelles dans le milieu gay restent tabou. Le témoignage d’Anthony, 37 ans, dans Mediapart résume bien la situation : « C’est un milieu où on a énormément vanté la libération sexuelle, où règne une culture du multi-partenariat. Cela ne passe pas de parler de violences sexuelles. Quand on est un homme, domine l’idée qu’on devrait savoir se défendre, et donc qu’on ne devrait pas se faire violer. Peu d’hommes osent dire : “moi aussi”. ». Il ajoute « les gays ont peur que l’homophobie conduise à centrer le débat sur la pédophilie, qui n’a pourtant rien à voir avec l’orientation sexuelle. »
Le mouvement #MeTooGay, une double peine : être gay et victime. Mais aujourd’hui, la honte et la peur doivent changer de camp.
Comme #MeToo, #MeTooGay est aussi le résultat de l’exploitation de la vulnérabilité des individus. Un reflet de l’inégalité entre les femmes et les hommes. Finalement, n’est-ce-pas de l’homophobie ? N’est-ce-pas les conséquences d’une société excessivement et abusivement masculine, hors de contrôle ?
Le Défenseur des Droits soulignait en avril 2020 que « le sexisme et les LGBT-phobies, encore très présents dans la société, constituent des facteurs majeurs d’émergence des violences au sein de la famille, qui peuvent aller jusqu’à la mise en danger des jeunes personnes lesbiennes et bisexuelles. »

Et maintenant ?

Pendant combien de temps encore, les hommes vont-ils violer les femmes et aussi d’autres hommes ?
Le Défenseur des Droits rappelle que les filles et les jeunes homosexuels et bisexuels sont encore plus touchés par ces violences. « Les garçons hétérosexuels y sont très rarement confrontés (0,5 %) par rapport aux filles hétérosexuelles (2,5 %). En revanche, la fréquence des violences sexuelles est bien plus importante chez les garçons homosexuels et bisexuels (6 % et 5,4 %) et encore plus chez les filles lesbiennes et bisexuelles (9,8 % et 12,3 %). »
Il est trop facile de dire qu’il faut porter plainte. Être entendu, être écouter, être compris est un préalable. Les autorités doivent aller plus loin dans l’aide aux victimes. Et aussi former les policiers et les gendarmes face à ces situations. Ne pas abandonner les victimes.

agir agression
(photo Chalabala GettyImages Canva)
Le Gouvernement se doit d’agir vite. Le premier remède doit être l’éducation. Enseigner à l’école l’égalité des sexes, des genres, des différences, revoir l’éducation sexuelle et parler des différentes orientations. L’ouverture des esprits est le premier remède.
Les associations LGBT+ doivent également se saisir des violences sexuelles dans le milieu gay et plus largement la communauté LGBT. Cela ne doit plus rester tabou.

Chiffres 2019 

  • 146 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire
  • 27 hommes ont été tués par leur partenaire ou ex-partenaire
  • 25 enfants mineurs sont décédés, tués par un de leurs parents dans un contexte de violences au sein du couple.
  • 84 % des morts au sein du couple sont des femmes. Parmi les femmes tuées par leur conjoint, 41 % étaient victimes de violences antérieures de la part de leur compagnon.

(le rapport complet)

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