Comme chaque 20 novembre, à travers le monde, a lieu la journée du souvenir transgenre (le TDOR, Transgender Day Of Remembrance). À Rouen l’association Gay’T Normande a organisé un rassemblement pour rendre hommage à toutes les victimes de transphobie place de l’hôtel de ville (voir photos plus bas). Au-delà de cette journée, l’association Gay’T Normande a mis en place depuis septembre des permanences d’accueil et d’écoute à destination des personnes en transidentité. Rencontre avec Florence Dodeman, vice-présidente de l’association qui nous parle de cette journée et de ses actions.
Sommaire
Cette commémoration, a eu lieu pour la 1ère fois, le 20 novembre 1998 à Boston à la suite de l’assassinat de Rita Hester, femme trans assassinée. Ce moment de recueillement est dédié à la mémoire des personnes tuées à cause de la transphobie.
Interview
Gayviking : Que représente pour vous cette journée ?
Florence Dodeman : Cette journée est avant tout un moment de recueillement en souvenir de toutes ces personnes transgenres assassinées pour motif transphobe, détruites ou tuées par ce qu’il y a de plus obscur chez l’Humain : le non respecter de la vie.
C’est aussi pour manifester notre volonté de ne pas accepter cette cruauté mais bien au contraire, s’y opposer en interpellant la société sur cette violence insupportable !
Est-ce la première fois que vous manifestez pour les droits des personnes transgenres ?
Non, notre association est vraiment engagée depuis toujours contre les discriminations que ce soit pour les homosexuels ou les trans-identitaires et intersexes, notre engagement a toujours prôné l’égalité pour tous !
Cet engagement a été clair lors de notre participation aux dernières GayPrides, par la promotion de films ayant pour sujet la trans-identité, par notre soutien apporté à ACT UP-Paris et condamnant les propos transphobes tenus par le président de la Licra et l’attitude ambiguë du C.S.A., et récemment en participant à la marche de l’ Existrans, à Paris, le 21 octobre dernier.
Après le combat pour le « Mariage pour Tous » et l’adoption, concrètement, qu’attendez-vous du Parlement et du Gouvernement ?
Nous attendons de véritables décisions et non des promulgations en demi teintes et leurs réelles mises en place et application :
– La formation et la sensibilisation des professions et structures en contact avec les personnes transgenres et intersexes (santé, éducation, social, administratif, justice, prisons, associatifs, etc.), en intégrant des intervenant(e)s issu(e)s des associations trans et intersexes.
– Le changement de la mention de genre ou de non genre à l’état civil libre et gratuit en mairie, sans condition médicale (ni stérilisation, ni suivi psychiatrique) et sans homologation par un juge.
– Le libre choix des parcours médicaux, dépsychiatrisés (si ce n’est pas à la demande de la personne).
– La mise en place d’un dispositif exonérant en remplacement de l’ALD 31, qui est pathologisante, une évidence, rien qu’avec sa définition (affection longue durée spécifique,attribuée à certaines pathologies graves dont la transidentité) et source de discriminations pour encadrer la prise en charge des soins éventuellement demandés par les personnes transgenre et/ou intersexes au cours de leurs parcours en tenant compte que chacun(e) à son propre parcours affirmé et pour mettre fin à l’arbitraire des médecins-conseils et aux inégalités de traitement selon les caisses d’Assurance maladie.
– L’adoption de dispositions et l’assurance de leurs mises en place pour garantir la continuité des droits des personnes transgenre et/ou intersexes ayant changé de numéro de Sécurité sociale et assurer ainsi la disparition de toute difficulté, auprès des organismes d’Assurance maladie et de retraite.
– Mise en place de campagnes de lutte contre les discriminations et préjugés, en y intégrant les associations transgenres et intersexes.
– Mise à disposition d’un budget pour la recherche et l’information, sur la santé des personnes transgenres et intersexes et de leurs partenaires (VIH/sida, hépatites, IST, effets des traitements à long terme, interactions médicamenteuses, etc).
– L’abandon des lois pénalisant le travail du sexe, qui précarisent et mettent en danger les personnes transgenres et intersexes concernées.
– L’arrêt immédiat des opérations et mutilations, des stérilisations, des « traitements » chimiques ou hormonaux forcés, et des pratiques psychiatriques imposées sur les enfants et adolescent-e-s intersexes. L’accompagnement psychologique non pathologisant de leurs parents et l’accompagnement à l’auto-détermination des Intersexes assurant le respect des droits des enfants à l’intégrité physique et mentale, notamment en supprimant la caractérisation de l’intersexuation comme « trouble du développement sexuel » dans les textes réglementaires.
– L’accès pour les personnes trans et intersexes, enfants et adultes, à la préservation de leur fertilité dans les Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (CECOS).
Depuis quelques mois, on observe que les associations LGBT locales, notamment en Normandie, mettent en place des permanences d’écoute pour les personnes en transidentité. De votre côté, que proposez-vous ?
Notre groupe d’Entraide Transgenre et Intersexe a été créé officiellement depuis le mois de Juin dernier ainsi que nos permanences mensuelles. Ce groupe a vu le jour après plusieurs années de réflexions depuis 2013, de travail et d’accompagnements à l’époque, pour répondre à des demandes ponctuelles. Depuis, j’ai pu donner vie à cette structure grâce à quatre « super womens » Marion, Cassandre, Léa et Clémentine. J’en profite pour les remercier chacune pour leur investissement.
Nous proposons une rencontre qui se veut chaleureuse et rassurante, le 4eme samedi de chaque mois entre personnes transgenres et/ou intersexes, en questionnement, en début de transition ou en fin de parcours affirmé et personnel. L’écoute et le partage constituent l’essence de ce groupe et une bonne partie du temps de ces rencontres y est consacrée.
Nous informons sur les questions de santé, les différentes spécialités médicales et démarches administratives et juridiques. A la demande, nous pouvons également mettre en place un accompagnement. De plus, ces permanences sont là aussi pour lutter contre la solitude et des convivialités sont proposées.
Nous mettons également à disposition un groupe sur Facebook où chacun(e) peut publier, échanger tous les jours : TRANSGENRES 76 & Friendly (Gay’T Normande). Bien évidemment, ces permanences sont ouvertes à la famille et ami(e)s.
Que dites-vous aux personnes en quête de questionnement qui viennent vous voir ?
Ce n’est pas tant ce que nous leurs disons qui prédomine mais plutôt, dans un premier temps, leur écoute au partage de vécus, leur constat de l’ambiance amicale qui les amènent naturellement à poser leurs propres questions. Le premier pas est fait et la confiance s’installe.
Nous indiquons à chaque personne qui se joint à nous, que le groupe est respectueux de chacun(e), qu’il n’y a pas de questions idiotes, que tout peut être dit sans jugement en garantissant respect et confidentialité. Enfin, nous insistons sur le fait que la personne est la seule à décider de sa propre définition. Nous faisons également et régulièrement des tours de table pour se présenter aux nouvelles personnes.
En résumé, chacun(e) apporte sa pierre à la construction.
Rencontrez-vous également les familles des enfants concernés ?
Oui bien évidemment. Il est très important de sensibiliser la famille, aider à la compréhension et de maintenir une bonne cohésion familiale pour le bonheur de tous. Nous avons déjà rencontré plusieurs parents qui ont leur propre questionnement. Nous pouvons également nous rendre disponible pour des entretiens individuels.
Nous vivons des moments particulièrement émouvant avec un papa qui vient nous rencontrer pour comprendre et accompagner au mieux son très jeune enfant et là clairement, ce n’est pas nous qui posons les questions et c’est formidable.
Avez-vous une idée du nombre de personnes en transidentité dans la région Normandie et mesurez-vous la transphobie dans notre région ?
Concernant le nombre de personnes trans-identitaires et/ou intersexes, non, nous ne le savons pas exactement mais bien plus que nous ne le pensions, çà nous pouvons l’affirmer par le nombre des demandes que nous recevons. Cependant, il est important de souligner que nous avons autant de personnes FtM (Female to Male) que de MtF (Male to Female). C’est un vieux préjugé.
Quant à la transphobie, elle est bien présente et ancrée. Les préjugés sont aussi très nombreux. Il y a un véritable travail de sensibilisation à faire. Beaucoup d’ignorance également. En toute objectivité, il n’est pas facile de s’affirmer à l’extérieur en tant que personne transgenre et/ou intersexe, en Normandie comme ailleurs.
Les collectivités locales et l’état vous accompagnent-ils dans ce combat ?
La mairie de Rouen soutient notre initiative de commémorer l’hommage aux victimes de transphobie et nous la remercions. Elle confirme son engagement envers les associations LGBT
Un dernier mot à ajouter ?
Entre janvier 2008 et septembre 2017 on comptabilise « officiellement » un total de 2609 personnes trans et genderqueer qui ont été assassinées dans 71 pays. L’information reste l’élément fondamental pour stopper les discriminations, les phobies, les préjugés ! L’état doit prendre part à cette bataille pour mettre fin aux sacrifices de vies innocentes au nom de la haine et de l’ignorance ! Néanmoins, nous constatons tous les jours, qu’autour de nous, il y a bien des gens positivement curieux, d’apprendre, ils/elles ont envie de savoir et de connaître l’Autre et c’est réconfortant. Et l’espoir est toujours aussi fort et vivant de réussir à bien vivre ensemble.
Contact association Gay’T Normande :
mail : asso@gaytnormande.org
Facebook : TRANSGENRES 76 & Friendly (Gay’T Normande)
Site internet de Gay’T Normande
Ligne d’écoute : 07.77.91.29.92
Reportage photos
Manifestation du 20 novembre 2017, place de l’hôtel de ville de Rouen. Le Conseil Municipal avait lieu au même moment. Hélène Klein, adjointe au maire de Rouen, est venue saluer la vingtaine de personnes présentes. Des bougies et des drapeaux avaient été disposés sur la place de la mairie, discours et recueillements en souvenir des personnes disparues.
Définitions
Kesako… Lorsque l’on parle de transsexualisme, de transidentité… la fameuse lettre T… Définitions par les associations transgenres :
La Transidentité est le fait de ressentir une inadéquation entre son corps et son ressenti intérieur d’être un homme ou une femme. La société définit généralement un individu comme homme ou comme femme en se basant sur son anatomie (soit son appareil génital reproductif !). Pour comprendre la notion de Transidentité, il importe donc de distinguer le sexe et le genre. Le sexe se basant essentiellement sur l’aspect biologique de la personne alors que le genre intègre les aspects sociaux et psychologiques de l’individu.
« Transsexuel(le) / Transgenre : De plus en plus de personnes dans la Communauté LGBT et transidentitaire utilise le mot « transgenre » et non plus « transexuel-le » qui reste un mot psychiatrisant et peu adapté. Le terme « transgenre » se substitue au mot « transexuel ». Le transgenre est un homme dans le corps d’une femme. La transgenre est une femme dans le corps d’un homme. C’est une sorte de conflit entre le genre, qui est le sexe psychologique (en gros), avec le sexe physique et son rapport à la société. La personne transgenre peut avoir recours à un traitement hormonal pour changer son corps, ainsi qu’a diverses opérations chirurgicales. La personne transgenre ne choisit pas de changer de sexe, c’est une nécessité. Il n’y a bien sûr, aucun lien avec l’orientation sexuelle.
Travesti(e) : le/la travesti(e) est une personne qui se défini clairement dans un genre donné, mais qui a parfois des envies d’assumer, publiquement ou non, sa virilité ou sa féminité, en portant les vêtements du sexe opposé, pour en adopter les codes et reconnaissances sociales. Il n’y a pas de lien avec les rapports sexuels, comme on l’entend souvent. Une personne travestie, ne se travesti pas dans un but sexuel.
Intersexué : Il est celui que l’on nomme parfois « hermaphrodite », soit une personne née avec les deux sexes. Actuellement encore, on le considère comme une maladie, et il est souvent demandé aux parents de choisir le sexe de l’enfant à la naissance. En réalité, l’intersexué se ressent le plus souvent comme appartenant aux deux sexes, simultanément ou alternativement, et lorsque le sexe a été choisi à la naissance et qu’une ablation de l’autre a été pratiqué, il n’est pas rare que l’intersexué se sente mutilé. »
Écoutes et rendez-vous
En Normandie :
A Rouen : l’association Gay’T Normande (interview ci-dessus) réalise tous les 4eme samedi de chaque mois une permanence entre personnes transgenres et/ou intersexes. Contact Gay’T Normande (site internet – page Facebook)
A Rouen : le centre LGBT de Normandie organise également les 2ième jeudi de chaque mois une permanences d’écoute pour les personnes transidentitaire de 18h et 20h à son local rouennais (Le Diable au Corps, 100 rue St Hilaire à Rouen) contact association (ici).
A Caen : les 3ième vendredi de chaque mois le centre LGBT organise une permanences d’écoute, de soutien et d’informations relatives au sujet transidentitaire de 18h et 20h à son local (74 boulevard Dunoi à Caen) contact association (ici)
A Toulouse : l’association Arc-en-Ciel a mis en place des permanences d’écoute et groupe d’aide : www.aectoulouse.fr
A Nice : le centre LGBT de la côte d’Azur héberge également des permanences : www.centrelgbt06.fr
En Bretagne : Andbraiz réalise des moments conviviaux d’écoutes pour toutes les personnes notamment trans : www.andbraiz.com. De même à Rennes, le centre LGBT, généralement le dimanche, un lieu d’écoute existe : www.cglbtrennes.org
A Lille, l’association « c’est pas mon genre » a été créé spécialement pour les personnes en question sur leur identité de genre : www.cestpasmongenre.com
En savoir plus
un beau portail sur la transidentité avec une communauté active : Txy (lien externe)
association nationale Transgenre (anciennement trans-aide avec plusieurs antennes en France) (lien externe)
transidentité – site d’informations (lien externe)
Forum i-trans (lien externe)
Existrans : la marche annuelle pour les droits des trans qui se déroule à Paris (lien externe)
Article de Libération, par Florian Bardou, sur la journée transgenre « en France comme à l’étranger, la transphobie tue » (lien externe)
Relire l’article-interview sur GAYVIKING de février 2015 avec le témoignage d’Allan à Caen « à la frontière des genres » (lien gayviking)
Voir le reportage photo de GAYVIKING sur la manifestation transidentitaire Existrans à Paris en 2015 (lien gayviking)
(sources images : gayviking, existrans et sixième photo issue de la série Illes composée de 15 photographies en noir et blanc de Carine Parola)