En France comme en Normandie, l’année 2024 confirme des avancées majeures dans le dépistage et la prise en charge du VIH et des infections sexuellement transmissibles (IST). Des chiffres détaillés rendus publics récemment par Santé Publique France. Mais derrière ces indicateurs encourageants, l’épidémie ne recule plus. Stabilisation des nouvelles contaminations, hausse continue des IST bactériennes et diagnostics encore trop tardifs rappellent l’ampleur du défi de santé publique. Et le plus inquiétant est la hausse des contaminations des 15-24 ans notamment en Normandie.

Un dépistage du VIH en forte progression
Jamais autant de tests de dépistages du VIH n’avaient été réalisés en France. En 2024, environ 8,5 millions de sérologies ont été effectuées par les laboratoires de biologie médicale, poursuivant une dynamique engagée depuis plusieurs années. Un chiffre qui s’explique notamment par la montée en puissance du dépistage sans ordonnance et sans avance de frais, qui représente désormais 20% de l’ensemble des tests réalisés.
L’élargissement de ce dispositif aux autres IST, en septembre 2024, a également produit un effet notable chez les jeunes : le nombre mensuel de moins de 25 ans testés pour le VIH via ce canal a doublé. Un signal positif, dans un contexte où le dépistage précoce reste l’un des leviers majeurs de prévention.
Découvertes de séropositivité : une stabilisation préoccupante
Environ 5 100 personnes ont découvert leur séropositivité au VIH en France en 2024. Après une hausse continue entre 2020 et 2023, ce chiffre semble désormais se stabiliser. Une stabilisation qui ne traduit pas une victoire : l’incidence des nouvelles contaminations ne diminue plus et reste estimée à 3400 cas par an depuis 2023.

Les profils des personnes diagnostiquées révèlent des inégalités persistantes. Plus de la moitié (56%) des personnes découvrant leur séropositivité sont nées à l’étranger, et parmi elles, 43% ont été contaminées après leur arrivée en France. Les modes de transmission restent majoritairement sexuels, avec une prédominance des rapports hétérosexuels (53%), suivis des rapports entre hommes (42%). Les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) demeurent une population clé de l’épidémie, même si les tendances divergent selon le lieu de naissance.
Diagnostics tardifs : des opportunités manquées
Malgré les progrès du dépistage, 43% des infections à VIH sont encore découvertes à un stade tardif en 2024, dont 27% à un stade avancé. Cette situation, bien qu’en amélioration depuis 2020, témoigne d’opportunités manquées de dépistage et de mise sous traitement précoce.

Ces retards au diagnostic ont des conséquences majeures, tant pour la santé individuelle (avec un risque accru de complications) que pour la dynamique de transmission du virus. On estime ainsi qu’environ 9700 personnes vivent avec le VIH en France sans le savoir en 2024.
Une prise en charge exemplaire… une fois le diagnostic posé
La France affiche toutefois des résultats remarquables en matière de prise en charge. En 2023, 94% des personnes vivant avec le VIH étaient diagnostiquées, 96% d’entre elles étaient sous traitement antirétroviral, et 97% avaient une charge virale indétectable. Ces performances placent le pays très au-delà des objectifs internationaux fixés par l’ONU Sida.
Une charge virale indétectable signifie non seulement une meilleure santé pour la personne concernée, mais aussi une absence de transmission du virus par voie sexuelle. Le message « Indétectable = Intransmissible » (I=I) constitue aujourd’hui un pilier de la prévention.
Normandie : une situation sous surveillance
À l’échelle régionale, la Normandie reflète en grande partie les tendances nationales. Environ 3 160 personnes y sont actuellement suivies pour une infection au VIH. Parmi celles traitées, 95,5% ont une charge virale indétectable, un résultat conforme aux objectifs internationaux.
On estime toutefois qu’environ 230 personnes ignorent encore leur séropositivité dans notre région. En 2024, 121 personnes ont découvert leur infection au VIH en Normandie, et près d’un quart des diagnostics ont été réalisés à un stade avancé. Un chiffre qui souligne, là encore, l’importance cruciale du dépistage régulier.

Hausse des contaminations chez les 15-24 ans
Interrogé sur la radio ICI Normandie (ex-France Bleu), le chef des maladies infectieuses au CHU de Rouen, le professeur Manuel Etienne indiquait une hausse importante des découvertes de séropositivité chez les 15-24 ans depuis une dizaine d’années en Normandie : « Cette hausse est à la fois en nombre et en proportion, c’est-à-dire qu’il y a plus de 15-24 ans et cela représente une partie plus importante des nouveaux diagnostics d’infections par le VIH. On le constate tout à fait dans notre région aussi et c’est très préoccupant parce que quand on attrape le VIH et en particulier quand on est jeune, c’est vraiment une étape, un changement, une bascule dans la vie quand même assez importante ».
Les autorités sanitaires régionales insistent sur la nécessité de répéter les tests, en particulier chez les hommes ayants des relations multi-partenaires avec d’autres hommes, pour lesquels un dépistage trimestriel est recommandé. Des campagnes de communication sont régulièrement déployées pour relayer ces messages de prévention.
IST bactériennes : une augmentation continue des diagnostics
Si le VIH semble se stabiliser, la situation est tout autre pour les IST bactériennes. En 2024, 3,4 millions de personnes ont été dépistées pour Chlamydia trachomatis, 3,7 millions pour la gonococcie et autant pour la syphilis, selon l’Assurance maladie. À ces chiffres s’ajoutent plusieurs centaines de milliers de dépistages réalisés gratuitement dans les CeGIDD.
Entre 2022 et 2024, les taux de dépistage ont fortement augmenté (+30% pour la chlamydia, +2 % pour les gonococcies et +20% pour la syphilis), en particulier chez les hommes. Cette intensification du dépistage a mécaniquement conduit à une hausse des diagnostics :
Environ 61 100 cas de chlamydia,
25 800 de gonococcie
et 6 500 de syphilis ont été identifiés en 2024.



Les jeunes de 15 à 25 ans sont particulièrement touchés par la chlamydia, tandis que la gonococcie progresse fortement chez les hommes, notamment les plus jeunes. La syphilis, majoritairement diagnostiquée chez les hommes, connaît également une augmentation préoccupante chez les femmes.
Coinfections et prévention combinée
En France, 27% des personnes découvrant leur séropositivité en 2024 étaient également porteuses d’une IST bactérienne, le plus souvent une syphilis, une gonococcie ou une chlamydia. Cette fréquence élevée de co-infections rappelle que le dépistage du VIH doit s’inscrire dans une approche globale de santé sexuelle.
Les progrès récents (remboursement des tests PCR, dépistage sans ordonnance, actions hors-les-murs) ont permis d’élargir l’accès au diagnostic. Le recours au préservatif et le dépistage régulier demeurent des outils incontournables pour freiner leur transmission.
Un enjeu de santé publique toujours majeur
Le bilan 2024 dessine un paysage contrasté. Les outils existent, les traitements sont efficaces, et l’accès au dépistage n’a jamais été aussi large. Pourtant, ni le VIH ni les IST ne reculent franchement. Pour atteindre l’objectif d’élimination du VIH fixé par la stratégie nationale de santé sexuelle, les autorités sanitaires appellent à renforcer une prévention combinée, adaptée aux populations et aux territoires les plus exposés. La balle est dans le camp de la population LGBT+ et aussi de l’État afin d’accroître les moyens de prévention.
+pour aller plus loin
– Comment se faire dépister et où en Normandie ?
– CEGIDD en France
– vih.org : portail d’info sur le VIH
– Bulletin Santé Publique France sur les données 2024
– La Prep, c’est quoi ?