(article publié le 6 décembre 2016)
Léonard Pochon est désormais le nouveau délégué régional de SOS Homophobie, l’association phare dans la lutte contre l’homophobie. Cela faisait deux ans qu’il n’y avait plus de délégué régional à Rouen. Après la création des délégations du Limousin et de Midi-Pyrénées, la 18ième délégation régionale de SOS s’installe à Rouen (délégation qui se dénomme encore « Haute-Normandie »). Avec 1300 adhérents (dont 450 membres actifs) répartis sur tout le territoire national, SOS Homophobie est un acteur de premier plan dans l’aide aux victimes des personnes lesbiennes, gays, bi-e-s et trans (LGBT). L’association milite également pour l’égalité des droits quelles que soient l’orientation sexuelle et l’identité de genre de chacun-e.
Rencontre avec Léonard Pochon le nouveau délégué régional normand. Il nous parle de son parcours mais aussi de l’état des lieux dans la lutte contre l’homophobie.
GAYVIKING : Cela fait quelques temps qu’il n’y avait plus de délégation de SOS Homophobie sur Rouen et sa région. Qu’est-ce qui vous a décidé à franchir le pas et vous engager ?
Léonard Pochon : SOS Homophobie a pu améliorer le quotidien des jeunes LGBTQI dans d’autres villes depuis maintenant 22 ans, autant sur l’écoute que sur la visibilité des questions Homosexuelles, Bisexuelles et Trans. Rouen est effectivement une ville où vivent de nombreuses associations LGBT autant sur la rencontre conviviale, que sur les revendications sociétales, mais il manquait à mon goût la sensibilisation que SOS peut avoir auprès des jeunes grâce aux Interventions en Milieu Scolaire (IMS) notamment.
De fait, mon engagement à travers SOS permet de faire revenir sur Rouen un acteur majeur à l’écoute nationale pour un travail étendu au territoire Normand qui a encore aujourd’hui un grand besoin de soutien dans ses luttes contre les LGBTphobies.
GAYVIKING : Quel est votre parcours ?
Léonard Pochon : Il s’agit pour moi d’une grande première au niveau associatif et c’est avec un grand plaisir que je suis devenu le porteur des valeurs de SOS Homophobie sur le territoire Normand. J’avais déjà eu certains contacts avec des membres de SOS Homophobie d’autres régions et cela m’avait finalement fait prendre conscience des bienfaits que cette association pourrait avoir chez nous. C’est pour cela que j’ai décidé de présenter ma candidature ayant eu vent que SOS recherchait une personne pour reconstruire l’association en Normandie.
GAYVIKING : SOS Homophobie a lancé une campagne fin novembre : la semaine du témoignage contre l’homophobie « en parler, c’est avancer » (voir plus bas). Est-ce toujours aussi difficile de témoigner d’un acte homophobe ?
Léonard Pochon : Cette année SOS Homophobie a organisé, pour la première fois, une semaine du témoignage contre l’homophobie, du lundi 21 au dimanche 27 novembre. La ligne d’écoute ouverte a offert un espace de parole libre et anonyme pour toute personne qui en a ressenti le besoin, autant sur les violences physiques que morales, liées à l’orientation sexuelle. En 2015, SOS homophobie a recueilli 1318 témoignages d’actes LGBTphobes. Ce chiffre est en baisse de 40 % par rapport à 2014 mais cela est à mettre en corrélation avec un essoufflement de la Manif Pour Tous lors de ces deux années précédentes. Le nombre de témoignages a finalement repris un chiffre relativement habituel d’avant 2012. Malheureusement ce chiffre de 1318 témoignages reste encore trop alarmant quand on sait que beaucoup de victimes d’actes homophobes ne témoignent pas.
Témoigner d’une agression verbale ou physique représente une étape difficile en soi et c’est pour cela qu’aujourd’hui encore il est effectivement difficile de témoigner d’un acte homophobe. Nombreux ont peur des représailles, autant dans la sphère familiale que dans la sphère du travail pour certains. Nous devons donc rappeler qu’il est possible de témoigner grâce à SOS et que nous serons là pour soutenir et aider les victimes qui en auront besoin.
GAYVIKING : Sur Internet, il y a beaucoup de commentaires homophobes notamment sur les réseaux sociaux (twitter, facebook…) mais aussi sur les grands médias de la presse généraliste. Pourquoi rien n’est fait pour empêcher les commentaires haineux ?
Léonard Pochon : Malheureusement aujourd’hui nous sommes dans un monde de l’immédiat, tout va vite et rien n’est contrôlé à priori. Les réseaux sociaux sont devenus un lieu où la parole a été totalement libérée voir même décomplexée. Des armes existent contre les commentaires haineux de ces réseaux, notamment le signalement. Il faut avant tout sensibiliser les acteurs des réseaux que nous sommes sur leur utilisation. Nous pourrions partir du constat que ne pas signaler un commentaire haineux pourrait être vu comme une approbation de celui-ci.
Le gouvernement a mis en place par exemple un site permettant de signaler tout commentaire haineux quel qu’il soit sur les réseaux : www.internet-signalement.gouv.fr . Ce site permet d’entraîner une action de la part des autorités judiciaires lorsque le besoin en est. Twitter dernièrement a aussi changé sa fonction de signalement rajoutant une partie sur les propos incitant à la haine envers l’orientation sexuelle.
Nous pouvons, concernant la presse généraliste, saluer l’initiative du Journal L’Union-L’Ardennais qui a diffusé dans son journal des commentaires homophobes de ses lecteurs, parfois avec les vrais noms et photos, en espérant que « cela poussera les gens à réfléchir avant de commenter ». Cette initiative a été prise à la suite des dégradations commises auprès des affiches de préventions du VIH par le Ministère de la santé.
Il faut que l’anonymat donné par Internet ne soit pas un prétexte à une homophobie libre et décomplexée.
GAYVIKING : Quel nouvel arsenal législatif la France a besoin pour lutter contre l’homophobie ?
Léonard Pochon : Personnellement, je pense que nous avons toutes les armes législatives nécessaires pour lutter contre les LGBTphobies. Regardons par exemple le code pénal qui permet de sanctionner encore plus lourdement n’importe quelle infraction en créant une circonstance aggravante d’homophobie.
Le législateur a ces dernières années été très regardant sur les discriminations. Cela est d’autant plus vrai qu’il est possible depuis peu, avec la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle, d’engager une action de groupe en matière de discrimination qu’elle quelle soit. Cette possibilité laisse donc une porte ouverte à des associations telle que SOS homophobie de pouvoir aider des victimes des actes homophobes, et de lutter plus efficacement contre les actes homophobes, perpétrés notamment par certains acteurs principaux de la Manif Pour Tous. Il faut tout simplement sensibiliser l’ensemble des français sur les ravages que peuvent faire les actes homophobes, témoigner et utiliser toutes les armes législatives que nous avons pour lutter efficacement contre ces agissements.
GAYVIKING : Au niveau local, comment comptez-vous agir dans la lutte contre l’homophobie ?
Léonard Pochon : Tout d’abord nous nous devons de rencontrer les acteurs de la vie civile et associative LGBT de Rouen et de l’ensemble de la Normandie. C’est pour cela que nous avons organisé le 18 novembre dernier une rencontre entre les acteurs de la vie associative Haut-Normande qui a permis de renforcer les liens entre nous et la possibilité de futures actions communes. Agir, c’est donner de la visibilité à l’association et c’est pour cela que nous allons participer l’année prochaine au forum des associations et porter des réunions publiques sur le territoire Normand. Parce que l’Homophobie est aussi dans le monde du travail et de l’école, nous allons avec le soutien de l’équipe nationale sensibiliser les jeunes et les salariés aux problèmes de l’homophobie dans la vie de tous les jours.
Pour donner un exemple concret, SOS Homophobie été sollicitée par l’UFR STAPS pour intervenir sur l’homophobie dans le sport en février prochain. Pour renforcer les liens entre nos associations nous avons souhaité associer par ailleurs Be Sport pour intervenir avec nous lors de cette future journée. C’est par ces actions que nous allons commencer notre travail sur le territoire Normand.
GAYVIKING : Il y a beaucoup d’associations LGBT de lutte contre l’homophobie en Normandie, quelle place comptez-vous occuper avec elles ?
Léonard Pochon : Toutes les associations présentes en Normandie ont un bienfait à apporter. Nous souhaitons donc collaborer tout simplement avec tous les acteurs publics, privés et associatifs dans un but de sensibilisation contre l’homophobie. Aider, soutenir et construire ensemble, seront notre ligne directrice pour créer une unité qu’il peut manquer sur Rouen entre les associations LGBT. C’est pour cela que nous serons donc présents pour aider à l’organisation de la marche des fiertés qui se déroulera à Rouen en 2017.
GAYVIKING : Comment faire pour adhérer à SOS Homophobie et quel rôle un adhérent peut-il avoir auprès de vous ?
Léonard Pochon : Tout simplement en allant sur le site de l’association www.sos-homophobie.org/adherer. Cela permet alors à nos équipes internes de se déplacer dans les classes, éditer le Rapport Annuel, financer notre ligne de soutien aux victimes, et nous permettre de continuer à faire reculer les discriminations chaque jour.
L’adhérent est le premier acteur de l’association, c’est surtout cette personne qui pourra se déplacer pour réaliser des interventions en milieu scolaire (IMS) ou en entreprise et sensibiliser l’ensemble de la population aux difficultés auxquelles la communauté LGBT doit faire face. Aider à la visibilité de l’association sur le territoire en participant à des événements, mais aussi permettre de sensibiliser les personnes autour de soi, c’est finalement le rôle quotidien d’un de nos adhérents.
GAYVIKING : Un dernier mot à ajouter ?
Léonard Pochon : Merci à Gayviking pour cette interview et cette possibilité qui nous est offert de pouvoir communiquer sur le retour de SOS Homophobie sur notre territoire Normand.
Si vous partagez nos idées et nos valeurs, nous serons heureux de vous accueillir auprès de l’association, n’hésitez pas à nous contacter pour plus d’informations sur nos actions, à nous rejoindre sur notre page Facebook SOS Homophobie Délégation Haute-Normandie. Mais surtout et enfin, si vous êtes victime ou témoin d’un acte homophobe, sachez que nous serons toujours là pour vous écouter et aider grâce à notre Ligne d’écoute anonyme au 01.48.06.42.41
Spot sur le témoignage des actes homophobes
Pour aller plus loin…
Lien : page facebook de la délégation régionale SOS Homophobie Haute-Normandie (lien externe)
Mail : contact délégation régionale de SOS Homophobie Haute-Normandie :
sos-hautenormandie@sos-homophobie.org
Lien : association SOS Homophobie site national (lien externe)
Lien : rapport annuel 2016 de SOS Homophobie (lien externe, doc. pdf gratuit)
Lien : URGENCE Homophobie: que faire ? (article gayviking)
Ligne d’écoute anonyme
01.48.06.42.41
du lundi au vendredi de 18h à 22h
le samedi de 14h à 16h
le dimanche de 18h à 20h
(pas d’écoute les jours fériés)
Témoigner/signaler
- Chat’écoute tous les jeudis 21h – 22h30 et dimanches 18h – 19h30 (sauf jours fériés)
- Témoignez/signalez un évènement LGBTphobe