Ne vous attendez pas à découvrir l’atlas du pénis, des phallus en érection ou le nouveau calendrier des Dieux du Stade (quoique…), non, les artistes qui ont été sélectionnés dépassent les clivages et les connotations sexuelles avec un seul objectif : l’esthétisme.
Le corps de l’homme est mis à nu.
Rencontre avec la rédaction de Normal et notamment Guillaume Rogez directeur artistique et Philippe Guédon co-fondateur du magazine.
Gayviking : Quel message souhaitez-vous faire passer au public qui découvre ce numéro de Normal ?
Normal : La photographie d’art du nu n’est pas réservée qu’aux femmes. Sur Gayviking je pense que les lecteurs le savent mais pour le grand public je ne pense que les gens savent que de très grands photographes traitent magnifiquement ce sujet. Cette thématique reste peu traitée malheureusement. On peut se balader au Louvre ou dans les rues de Paris et croiser des statues de héros grecs nus partout, des peintures mythologiques, des contes et légendes ou des scènes de vie avec des hommes nus. Mais dès qu’il s’agit d’œuvres contemporaines, le sujet devient épineux.
Le nu masculin reste tabou
Dans l’avant-propos du magazine, Orlan écrit que ce qui est tabou finalement, ce n’est pas la nudité masculine dans son ensemble, c’est le sexe masculin…
La représentation d’un sexe masculin, notamment en érection, est souvent censurée ou tabou. Ce sont généralement les premières choses, que tout jeune, nous dessinons et pourtant en grandissant on s’aperçoit que le sujet reste tabou. Certains artistes s’y sont attaqués (comme Erwin Olaf dans une série non publié dans ce numéro) et ils y sont parvenus… à rendre le sexe masculin en érection artistique et non érotique ou porno….
…même pour votre magazine, la visibilité du pénis est timide, le plus souvent elle est suggérée ?
Oui je pense que cela est plus subtil. Le fait de devoir l’imaginer rend le nu encore plus fort.
Peu de femmes photographient le nu masculin, c’est si difficile à trouver ?
La photographie du nu masculin est en général beaucoup plus difficile à trouver. Déjà peu de photographes homme ou femme acceptent de travailler dessus par rapport au nu féminin.
Découvrir l’intimité des photographes…
Dans une conversation reproduite dans ce numéro, le photographe Tony Duran dit que pour être un bon photographe, il faut être un vrai voyeur. Vous pensez être voyeur ? Et le lecteur est-il également un voyeur ?
Nous (la rédaction ndlr) ne nous considérons pas comme photographes. Nous n’avons pas assez de talents dans ce domaine. Pour nos lecteurs oui je pense qu’il y a un peu de voyeurisme. On le revendique même : découvrir l’intimité des photographes et les publier à travers leurs œuvres !
Le modèle Arthur Gillet (qui a déjà posé dans Têtu) pose la question : montrer des corps masculins à notre époque revient à faire de l’ «art gay » mais certains renient l’existence de cet art…
C’est pour ça que nous avons choisi de sortir un numéro « homme » une fois par an. Pour nous la photographie du nu féminin et du nu masculin sont de l’art au même niveau ! Mais je pense comprendre ce que dit Arthur Gillet les gays seront plus sensible à cet art.
Trouver de nouveaux talents
Comment travaillez-vous à la conception de votre magazine, au choix des photos… ?
Nous trouvons un thème puis nous essayons de contacter de grands photographes mondiaux, les têtes d’affiche. Au début c’était un peu compliqué car ils ne savaient pas trop dans quoi ils allaient se retrouver mais au final ils aiment beaucoup le concept et se prêtent volontiers à l’exercice.
Nous essayons également de découvrir de nouveaux talents pour cela on passe des heures sur internet, en galerie, en festival photo… on doit voir au minimum 2000 photographies par jour en période de recherche. Et nous recevons aussi beaucoup de séries sur notre adresse mail… d’ailleurs nous n’avons pas toujours le temps de répondre, nous sommes désolés.
Le montage et le traitement numérique sur les oeuvres photographiques est très présent. Il n’y a plus de tabou à utiliser « photoshop » ?
Personnellement je n’ai rien contre si l’image finale est magnifique ! Les artistes ont toujours essayé d’embellir la réalité, même à l’argentique ! Avec Photoshop je trouve que c’est comme le maquillage… moins on le voit plus c’est bluffant !
Prendre des risques… artistiques…
Auriez-vous un conseil à donner à un débutant qui voudrait se lancer dans la photographie de nus masculin ou féminin ?
Regardes énormément de photographies fais toi une vraie culture et après quand tu te lances, sois le plus original possible et n’écoute que ton imagination, prend de gros risques artistiques !
Dernière question… pourquoi avoir appelée votre revue « Normal »… y’a t’il un lien avec la normalité (ou l’anormalité) de la nudité ?
Oui il y a un peu de ça… déculpabiliser le lecteur. Mais c’est surtout qu’on répète ce mot plusieurs fois par jour, qu’il est compréhensible en français, en anglais, en espagnol ..!
Pour aller plus loin…
Découvrir le magazine Normal, revue quadrimestrielle (3 fois par an) sur 250 pages (1,7 kg) – 25 euros