La France et le mariage pour tous attaqués devant l’ONU : la liberté de conscience ou la liberté d’être homophobe ?

Droit de l'homme LGBT - France ONU(article publié le 14 décembre 2016)
La liberté de conscience sur le mariage des personnes de même sexe refait surface. Une petite poignée de maires français accuse la France de ne pas respecter les Droits de l’Homme et attaque la République Française devant l’ONU. Face aux couples homosexuels, ces maires tentent d’obtenir une objection de conscience.
C’est ce jeudi 16 décembre qu’une trentaine de maires attaqueront la France devant le Comité des Droits de l’Homme, comité placé sous l’égide de l’ONU, pour ne pas avoir reconnu aux maires leur liberté de conscience, c’est-à-dire leur liberté de ne pas marier deux hommes ou deux femmes. Après avoir épuisé toutes les voies de recours auprès des tribunaux et du Conseil Constitutionnel, recours qui n’ont pas aboutis, ces élus saisissent les instances onusiennes. En 2015, ils avaient déjà déposé un recours devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Les protagonistes ne sont pas inconnus du public. Avec son association « des maires pour l’enfance », c’est Franck Meyer, maire d’une commune de 500 habitants en Seine-Maritime, Sotteville-sous-le-Val (près de Rouen), qui continue son combat contre la loi Taubira. Lors de cette conférence de presse, l’élu était notamment entouré du député de la Drôme Hervé Mariton, toujours opposé à la loi sur le Mariage pour Tous malgré son ralliement à Alain Juppé lors des primaires dont ce dernier ne souhaitait pas revenir. Pour les plaignants « cette procédure vise à faire constater l’atteinte à la liberté de conscience des élus, quand la déclaration universelle des droits de l’Homme garantit ce droit pour tout individu ».

Liberté de conscience…

Cette notion de liberté de conscience accordée aux élus avait maladroitement fait éruption dans le discours du Président de la République, François Hollande, lors du Congrès des Maires en novembre 2012, propos qu’il avait regretté par la suite et que ni le Gouvernement, ni le Parlement n’avaient repris dans les textes pour la loi sur le mariage pour tous.
Il ne faut pas s’y tromper, cette procédure n’est qu’un rideau de fumée sémantique. Il ne s’agit nullement de reconnaître une liberté de conscience mais bien le risque d’instituer une « liberté d’homophobie », c’est à dire de discriminer les personnes en fonction de leur orientation.
Franck Meyer, Hervé Mariton & Co invoquent le non-respect de l’article 18 du pacte de l’ONU qui précise que « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé, par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement. »
Juridiquement cet article ne concerne essentiellement que la liberté religieuse. La « notice explicative » de la déclaration des droits de l’homme, qui est un quasi copié/collé à cet article, semble pourtant bien limpide : « Tu as le droit de choisir librement ta religion, d’en changer et de la pratiquer seul ou avec d’autres personnes ».

… ou liberté d’être homophobe ?

Ainsi, la liberté de conscience qu’ils invoquent est la liberté de conscience religieuse. Au final, ces élus attaquent une Loi de la République sur le seul fait que cette loi ne respecterait pas leur conviction religieuse. Nous sommes dans un état Laïque, et nous devons respecter toutes les religions mais il importe que les Églises et leurs représentants, qu’ils soient élus ou religieux, ne s’immiscent pas dans les affaires de la Nation.
ONU et LGBT… si ces élus veulent approfondir les droits de l’homme devant l’ONU, ils devraient approfondir l’article premier qui déclare « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».
Cette procédure contre le mariage pour tous devant l’ONU a peu de chance d’aboutir. En effet, depuis 2008 devant l’ONU puis devant ce même Comité des Droits de l’Homme, les institutions onusiennes se sont déjà prononcé à plusieurs reprises en faveur des droits des personnes LGBT ainsi qu’à la non-discrimination des personnes de même sexe :

« Toute personne, quel que soit son sexe, orientation sexuelle ou identité de genre, a le droit de bénéficier des protections prévues par le droit international des droits de l’homme, y compris en ce qui concerne les droits à la vie, à la sécurité de la personne et à la vie privée, le droit à ne pas être soumis à la torture et à des arrestations et détentions arbitraires, le droit de ne pas faire objet de discrimination et le droit à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association. » (Comité des Droits de l’Homme)

Reconnaître une objection de conscience reviendrait à reconnaître le droit à la discrimination… donc à l’homophobie.
Cette  charge médiatique de quelques élus contre la loi Taubira n’est finalement qu’un positionnement politique à la veille d’une année électorale pour faire pression sur les candidats aux élections présidentielles et législatives.
Au-delà des 36.000 maires et en dehors de 146 maires qui ont intenté un recours devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme en 2015 puis maintenant une trentaine devant l’ONU, de nombreux élus locaux respectent les lois de la République et rendent heureux de nombreux couples qu’ils soient de même sexe ou de sexe différent.

Rappel de la loi

Pour rappel, un élu qui refuserait de marier deux personnes qu’ils soient de sexe différent ou de même sexe risque jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende en plus des dommages et intérêts. A plusieurs reprises, mais dans des cas, heureusement très rares, des élus avaient refusé de célébrer un mariage entre deux personnes de même sexe par conviction religieuse. A Marseille, une élue socialiste avait refusé de marier deux femmes. L’élue a été condamnée à 5 mois de prison avec sursis.
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