Ce mardi midi, à la sortie de l’hôtel du Département de la Seine-Maritime, elles étaient très agacées. Par l’intermédiaire de l’association HES (Homosexualité et Socialisme), proche du PS, des associations LGBTI ont été conviées à une réunion d’échanges avec des élus du Département. Cette réunion avait pour but de discuter des suites à donner à la polémique concernant les propos, notamment homophobes, de la responsable du service adoption.
Erreur de casting ?
Autour de la table, ce n’était pas la foule des grands soirs. Trois associations sont présentes : HES (Homosexualité et Socialisme), Escalier LGBT (émission de radio), Aides (experte dans la prévention du vih et de l’accompagnement des malades) et Gay’T Normande (association de lutte contre les discriminations sur Rouen). En face : trois vice-Président.e.s du Département : Marine Caron, Nathalie Lecordier et Bertrand Bellanger.
Rapidement, les deux représentants de Gay’T Normande s’interrogent sur l’absence d’autres associations représentatives, celles qui oeuvrent sur le terrain contre l’homophobie mais aussi des associations homoparentales, premières intéressées sur le sujet.
Aucun autre association ne semble avoir été conviée à cette réunion.
Associations non légitimes…
Dans un communiqué, ce collectif d’associations s’est sentie exclue et dénonce le caractère illégitime des participants à la réunion d’échanges : « nous regrettons le fait qu’à nouveau, le Département prenne à la légère le cas des enfants et de leur placement, en ne conviant que peu d’associations expertes sur la question ». Selon ce même communiqué, elles regrettent l’absence d’associations homoparentales : « Comment légitimer ce travail alors qu’aucune association de parents n’est présente ? » Les associations ont également estimé qu’il était important de ne pas résumer cette polémique à la seule question de l’homophobie mais aussi d’évoquer les propos discriminatoires liés au handicap des enfants par exemple. Le collectif associatif ajoute : « nous demandons une véritable table ronde avec des personnes et des associations légitimes pour représenter tous les modèles de familles ».
Mais avec quelles associations ?
Mésententes associatives
L’exclusion d’associations à la table du Département ressemble plus à un règlements de compte et de guerre de chapelles. Depuis de nombreux mois, voire d’années, le climat inter-associatif LGBT a tendance à se dégrader en Normandie et plus particulièrement sur Rouen et sa région. Toutes ont une conception différente de la vie associative. C’est naturel. Mais sans s’en rendre compte, chacun tente de tirer la couverture à soi-même. Et quand on ajoute une pincée de politique, c’est le drame. Encore plus quand les querelles de personnes s’immiscent dans les rouages. Au final, les associations LGBT ont des difficultés à se faire confiances entre elles… sauf quand il s’agit de combattre un ennemi commun… voir le vieille adage : « les ennemis de mes ennemis sont mes amis ».
Il n’est pas encore l’heure de vous raconter le feuilleton associatif rouennais à la façon Dallas-Ton-Univers-Impitoyable, mais c’est un peu ce qui s’est passé ce mardi 26 juin sur Rouen.
Hélas, cette situation a crée une victime inattendue lors de cette journée. « La lutte contre les discriminations dans l’adoption » s’est retrouvée perdante comme un dommage collatéral. En dépit des apparences, le département de la Seine-Maritime a une lourde responsabilité. Il est regrettable que l’institution n’ait pas pris conscience de l’immense attente de la communauté LGBT. Son président Pascal Martin aurait pu organiser cette rencontre avec le monde associatif sans déléguer cette tâche à une association politique. Soit cela prouve sa méconnaissance du monde LGBT, soit il s’est servi d’HES pour manipuler et tuer dans l’œuf la contestation. Qui se sert de qui ?
Le Département semble éviter le sujet. Au-delà des associations homoparentales, d’autres associations LGBT œuvrent pour lutter contre les discriminations notamment homophobes. C’est le cas du Centre LGBTI de Normandie ou du Refuge. Le Département aurait très bien pu les inviter même en cours de réunion. C’est une évidence.
Et maintenant ?
Selon nos informations récoltées auprès de la Collectivité, lors de la réunion avec les élus du Département, aucune revendication concrète n’aurait été formulée. De leur côté, les associations exclues et maintenant unies dans ce collectif portent de leur côté des revendications précises. L’APGL (Association de Parents Gay et Lesbien) aurait rejoint ce collectif ce 27 juin.
Les associations considèrent que la mise à pied à titre conservatoire de la responsable de l’adoption est insuffisante. Elles demandent sa destitution au sein de l’ensemble des services sociaux du Département.
Sur les procédures d’adoption, les associations LGBT demandent notamment plus de transparence sur le Conseil de Famille (instance pour l’agrément des adoptants). Elles réclament la remise à plat des procédures avec des critères plus précis et l’anonymisation de certains critères sur les dossiers des adoptants. Enfin, la création d’un observatoire de l’adoption a été relevé par le collectif.
Après l’échec de la rencontre avec les élus du Département, les associations LGBT qui se sont senties exclues « souhaitent obtenir un rendez-vous afin de discuter et de reprendre le dialogue avec les institutions ».
Le collectif associatif n’a pas pour objectif de favoriser l’adoption pour les couples homosexuel.le.s. Son objectif est « de s’assurer que chaque dossier soit traiter à égalité sans discrimination. »
Sur cette polémique des procédures d’adoption, on retiendra le silence gênant des autres associations non LGBT. Dans son récent communiqué de presse, l’association Enfance et Famille d’adoption 76, dont un de ses représentant est au « Conseil des Familles » via l’UDAF (association familiale) ne s’est pas prononcé sur le caractère homophobe de la polémique, ni condamné clairement les propos de la responsable d’adoption…
…la communication est toujours une chose compliquée.
Pour aller plus loin
Communiqué de presse du collectif
Article sur la polémique au Département
Témoignage adoption RTL