(article publié le 13 septembre 2015)
Il est souvent délicat de parler de ses difficultés personnelles. On se dit que voir un psy pourrait être une solution. Mais on se pose beaucoup de questions sur les psy et plus encore quand on est gay ou lesbienne. Pourquoi devrais-je consulter, je ne suis pas malade ? A quoi ça sert ? Est-ce vraiment utile ? Qui consulter, un psychologue, un psychiatre ? Un français* sur trois aurait déjà consulté un psy. Aujourd’hui de nombreuses associations lgbt à travers la France mettent en place des permanences de psychologie. A GAYVIKING, on a voulu en savoir un peu plus. Nous sommes allés voir ce qui était proposé à Caen en Normandie. Soraya est psychologue. C’est elle qui nous parle des permanences et de ce qu’elle propose au Centre LGBT de Normandie. On s’attendait à un divan. Mais finalement pas de divan. Rencontre…
GAYVIKING : Parler de rendez-vous avec un psychologue, cela peut parfois faire peur… en quoi cela consiste ?
Soraya : Parler à un psychologue nous fait peur, parce que dans l’histoire de ce métier l’image de la psychiatrie et plus particulièrement de la folie est encore présente dans les représentations.
Pourtant prendre rendez-vous avec un psychologue devrait pouvoir être une démarche simple. Nous pensons souvent à tord avec des préconçus : « je ne veux pas me confier à un inconnu », « parler ça ne sert à rien », « j’ai déjà mes amis ou ma famille si j’ai envie de parler ». C’est souvent par méconnaissance du travail du psychologue. La psychanalyse a pu être mystérieuse à une époque, mais actuellement je pense que les thérapeutes communiquent de plus en plus sur leur métier.
Un rendez-vous chez le psychologue c’est une démarche d’aide, de réflexion sur un élément de notre vie, un événement où un sentiment vous insatisfait et qui s’installe. On peut aussi se rendre chez un psychologue lorsque l’on va bien, mais que l’on cherche à comprendre un souvenir ou un trait de notre caractère, ou lorsque l’on arrive pas à surmonter un événement. Il n’y a pas de demande type à part celle de venir exposer une réflexion et d’en échanger. En règle générale les personnes souhaitent nous rencontrer pour évoquer une souffrance, afin qu’elle s’atténue.
GAYVIKING : Psychologue, psychiatre, quelle est la différence ?
Soraya : Un psychologue a un master 2 en psychologie, il a validé le titre de psychologue grâce à sa formation universitaire et environ 500 heures de stages réparties sur deux ans. Il existe également des écoles qui permettent d’accéder au même titre.
Le psychiatre est un médecin qui après ses six années de formation de médecine générale se spécialise en psychiatrie. Il peut délivrer des traitements, ce que le psychologue ne peut pas faire.
Ces deux métiers ont pour spécialité d’accompagner les personnes en souffrance psychique, avec des troubles du comportement, de l’anxiété, des dépendances ou des problèmes relationnels. Ils pratiquent tous les deux la psychothérapie comme traitement, de manière différente en fonction de leurs obédiences théoriques (psychanalyse, thérapie comportementales… ). A la différence près, que le psychiatre peut soutenir cette prise en charge par un traitement. Dans le cadre libéral ou institutionnel, les psychiatres et psychologues travaillent en lien les uns avec les autres. Tous les deux sont soumis au secret professionnel.
GAYVIKING : Pourtant, l’homosexualité n’est pas une maladie, pourquoi consulter, en quoi est-ce si important de se faire aider ?
Soraya : L’homosexualité n’est pas un sujet d’intervention en tant que tel, mais elle peut faire souffrance chez certains individus. Il est important de consulter pour comprendre comment apaiser cette souffrance. Il n’y a pas de bonnes et mauvaises raisons pour consulter, si l’on devait donner des exemples, cela peut aller de la personne qui se pose des questions sur son orientation sexuelle, à celle qui se sent isolée depuis l’annonce de son homosexualité à sa famille. Je pense qu’il est important d’en parler, et de ne pas se renfermer avec sa souffrance, ou ses questions.
Les personnes qui connaissent un mal-être en lien ou non avec leur orientation sexuelle trouvent des bénéfices à en parler. Le travail que l’on propose à la permanence est d’identifier les choses qui ne vont pas comme on le souhaiterait, les raisons de cette insatisfaction, ce qui déclenche ce mal-être et nous cherchons quelles solutions peuvent êtres mises en places.
La permanence a pour but d’orienter après quelques rendez-vous vers le professionnel adapté. Tout le monde n’a pas besoin d’une psychanalyse, ou d’un suivi thérapeutique, l’idée est aussi de déterminer quel professionnel peut aider chacun, ou rassurer les personnes sur ce dont ils n’ont pas besoin.
GAYVIKING : Trouve-t’on toujours des solutions après un travail thérapeutique ?
Soraya : Les personnes qui se rendent acteurs de leur travail thérapeutique trouvent des solutions. L’idée d’une prise en charge est que la personne trouve par elle-même des solutions, et retrouve ses ressources propres. Nous l’aidons à reprendre confiance en elle et à «détricoter» ses difficultés, pour en comprendre les racines et par la suite qu’elle puisse elle-même apporter les modifications nécessaires à sa vie pour aller mieux. Nous l’aidons à travailler sa perception des événements, de sa vie, de ses difficultés. Donc oui, si la personne est prête à faire ce travail, elle trouvera des solutions. Ce n’est pas le psychologue tout puissant qui permet une évolution positive, c’est aussi la disponibilité de la personne.
GAYVIKING : Comment se déroule le rendez-vous, il y a un divan… ?
Soraya : La permanence n’a pas pour but d’engager un travail thérapeutique à long terme. Les personnes sont reçues de manière anonyme dans une salle, où il n’y a pas de divan. C’est un lieu d’accueil du problème pour ensuite orienter la personne vers le thérapeute qui pourrait lui convenir. Une fois de plus, parfois seul quelques rendez-vous suffisent à démêler une situation, et dans ce cadre nous proposons de rencontrer les personnes au maximum 6 fois. Mon travail consiste à déterminer si la personne a les ressources nécessaires pour faire face à sa difficulté et la rassurer, le but n’est pas de remplir les cabinets de psychologues en libéral, mais de déterminer avec chacun ce qui est de l’ordre d’un accompagnement et de quel type d’accompagnement.
Pour cela les personnes peuvent venir de manière spontanée aux permanences le premier mercredi du mois de 16 h à 18 h (74 boulevard dunois à Caen), ou envoyer un mail au centre LGBT de Normandie.
GAYVIKING : Le public gay, lesbien, trans-identitaire est-il plus concerné par le besoin d’avoir recours à un psychologue ?
Soraya : Oui et non. Tout dépend de ce qui fait souffrir la personne. Un homosexuel heureux n’a pas besoin de consulter, un hétérosexuel malheureux en a besoin. Ce n’est pas la question du choix d’orientation sexuel qui nous intéresse, c’est ce qui vous fait du mal. Nous proposons cette permanence car l’association est un lieu ressource pour les personnes LGBT et cela facilite l’accès à un psychologue. L’idée est de dédramatiser cette rencontre pour aider et faciliter un relais sur l’extérieur.
Les personnes LGBT sont peut-être parfois plus vulnérables dans le sens où elles se sentent discriminées ou rejetées parfois par leurs proches. Il y a des situations de souffrances très différentes les unes des autres, ce qui est sûre c’est qu’il faut en parler et ne pas s’isoler.
GAYVIKING : Un dernier mot à ajouter ?
Soraya : L’idée de ces permanences et de faciliter l’accès à un psychologue. Ces rencontres sont complémentaires avec les différents groupes de paroles et de rencontres proposées au sein du centre LGBT de Normandie.
Permanences psychologues en France…
Des permanences réalisées par des professionnelles pour le public gay et lesbien, anonymes et gratuites :
En Normandie :
à Caen, le premier mercredi du mois de 16h à 18h au Centre LGBT (74 boulevard dunois) avec Soraya, psychologue.
à Rouen, le troisième samedi du mois de 15h à 17h par l’association Gay’T Normande dans le cadre de ses permanences à l’UBI (20, rue Alsace Lorraine) avec Thomas, psychologue.
En région parisienne :
Les lundi, mercredi, samedi au Centre LGBT (63 rue Beaubourg, Paris 3ième). Conseiller de prendrez rendez-vous, infos…
L’association Le Mag (jeune) organise également des permanences souvent le samedi de 16h à 21h (106, rue de Montreuil, Paris 11ième), infos…
Provence :
Sur Nice, le Centre LGBT Côte d’Azur propose des prise de rendez-vous par téléphone auprès tous les jours de 9h30 à 17h30, plus d’info…
Autres régions :
Avec l’association PsyGay, c’est un réseau de professionnel(le)s de l’écoute et de la psychothérapie qui accueillent les personnes qui font appel à eux-elles dans un engagement de respect de l’orientation sexuelle et du désir de chacun(e) : appel 01 42 74 16 02 en laissant au minimum votre numéro de téléphone. Un membre de l’association vous rappellera au plus vite. Vous pourrez préciser votre demande avec lui : il vous donnera alors les coordonnées de deux professionnels correspondant au mieux à votre recherche. Attention, il ne s’agit pas d’une ligne d’écoute, mais d’un répondeur. (site internet de PsyGay)
Soutien psychologue, spécial sida :
Le Kiosque vous propose un espace de parole individuel destiné aux gays et lesbienne animé par Jean-Pascal, psychologue les mercredis de 15h à 19h sur rendez-vous (36 rue Geoffroy l’Asnier, Paris 4ième), info…
L’Enipse organise également des permanences de psychologue dans les établissements lgbt à Paris, plus d’infos…
*source : médiaprisme (DirectMatin) : un Français sur trois aurait déjà consulté un psychiatre, un psychologue ou un psychanalyste. 65% des patients jugent que la consultation chez un psychologue ou chez un psychiatre est utile. 45% des 25-34 ans recommandent même à leurs proches de tester l’expérience une fois dans leur vie. Enfin 31% des personnes interrogés pensent que même sans sentiment de mal-être ou de dépression, il est utile de consulter.