Visibilité des lesbiennes : pourquoi est-ce si important ?

Créée en 1982, le 26 avril est la Journée de la visibilité lesbienne. Rendre visible les lesbiennes, parler d’elles et de leur vécu. Cette journée permet aussi de lutter contre la lesbophobie en défendant leurs droits. Mais être lesbienne, c’est avant tout être une femme.
Les lesbiennes sont visibles
(photo : licence Shutterstock)
Dans une société encore très masculine, le mot lesbienne peut faire peur ou fantasmer. Jusqu’à l’année dernière, quand vous tapiez le mot « lesbienne » dans le moteur de recherche Google, les résultats s’affichaient sous les seules références pornographiques. Depuis, les associations lesbiennes ont réussi à faire changer la donne.
Les lesbiennes ont le droit d’être reconnues dans cette terminologie. Mais cette reconnaissance semble encore taboue pour beaucoup.

L’empreinte lesbienne est essentielle 

Pour parler de cette visibilité, nous avons interrogé la seule association lesbienne de Normandie : LBTG (Laisse Bien Ta Gaité).
Géraldine et Valérie ont fondé cette association en 2013. Elles témoignent…

Parler des choses pour qu’elles existent !

Gayviking : Ce 26 avril, c’est la journée internationale de la visibilité lesbienne. Comment ressentez-vous cette invisibilité ?
Géraldine et Valérie : Comme quelque chose qui a toujours existé, en lien avec l’invisibilité des femmes en général. Quand on parlait du milieu LGBT il n’y a pas si longtemps, on parlait des hommes homosexuels. On parlait très très peu des L, des B et des T. Le fait que ce ne soit plus le cas aujourd’hui est essentiellement lié à l’investissement personnel de bénévoles qui militent et agissent pour que nous obtenions tou.te.s plus de droits et cela passe d’abord par plus de visibilité.

Association lesbienne LBTG

Il faut parler des choses pour qu’elles existent et que les gens se rendent compte des inégalités et des injustices. Chaque membre d’une minorité peut contribuer à lui donner plus de visibilité en rejoignant les associations existantes ou en créant, avec d’autres, une association là où il n’y en a pas.
Dans notre entourage peu de femmes ont identifié la journée du 26 avril comme étant celle de la visibilité des lesbiennes.

S’approprier le sujet 

On peut comprendre cela de plusieurs façons. Cette journée bien que relayée sur les réseaux sociaux et la presse communautaire ne donne lieu à des évènements et à des actions que si des bénévoles et activistes s’en emparent pour rendre le sujet palpable. En période de confinement c’est délicat, sauf à créer de nouveaux espaces numériques.

lesbienne pride
(photo : Jana Sabeth d’Unsplash)
Quelles sont les conséquences de l’invisibilité des lesbiennes ?
Sur le web le sujet est rendu beaucoup plus concret autour du débat parlementaire en cours sur la PMA. Le projet de loi ouvrant la PMA à toutes les femmes est malheureusement suspendu à cause du COVID. Mais l’ouverture de la PMA ne concerne pas seulement les femmes cisgenres*, avec prise en charge par la sécu uniquement lorsqu’elles sont dans une relation hétérosexuelle avec un problème médical entrainant une stérilité.
L’European Lesbian° Conference rend visible à une échelle internationale ces sujets notamment en sensibilisant des parlementaires.

La double peine : homosexuelle et femme

… les lesbiennes sont-elles privées de paroles à la télévision ?
Dans les médias et les sujets qui concernent les lesbiennes, c’est une conséquence de la double pleine d’être à la fois homosexuelle et femme.
Les médias et le pouvoir qu’ils donnent sont majoritairement dirigés par des hommes qui sont également plus aisément présents en tant qu’experts sur les plateaux.

Cancer sein lesbienne
(crédit photo : Pixabay : acousticsoul215)
C’est une sorte de cercle vicieux : les gens (peu importe leur genre) travaillent plus facilement avec des personnes avec lesquel.le.s iels** sont à l’aise, qu’iels** connaissent, et donc vont les ré-inviter car une relation de confiance se crée, à plus forte raison lorsqu’il faut réagir vite.
Mais du coup… le renouvellement des dits expert.e.s n’est pas évident et pas spontané.

Redonner la parole aux concernées !

Finalement l’invisibilité des lesbiennes renvoie à l’invisibilité des femmes…
Les actions des activistes des organisations telles que La Barbe, Ouiouioui la PMA, FièrEs, ont mis en lumière ces méthodes.
Au final, l’omniprésence de ces « expert.e.s » prennent beaucoup trop de pouvoir sur nos vies et nos corps puisque leurs avis finissent par donner lieu à des projets de lois qui vont avoir des impacts très concrets sur nous.
Pensez-vous que les lesbiennes s’approprient pleinement le mot lesbienne ?
Je crois que, lorsque les femmes s’assument, elles choisissent le mot qui les définira.

Lesbienne en Normandie, photo
(photo : Sharon McCutcheon d’Unsplash)
Pour certaines le sens politique du mot « lesbienne » convient. Pour d’autres « homosexuelle », ou « gay » (au sens américain) sera plus approprié.

« Homosexualité et féministe font peur »

Tout le monde n’a pas l’âme d’un.e activiste. Le premier gros chantier reste de parvenir à s’assumer pour être bien dans sa peau. L’histoire des luttes lesbiennes n’est pas enseignée à l’école. Donc peu connue du « grand public ».
Je crois que l’homosexualité fait peur (bien qu’heureusement ce soit de moins en moins le cas), et le mot « féministe » aussi.
Que fait-il faire pour rendre les lesbiennes plus visible ?
Pour rendre plus visibles les lesbiennes et les minorités en général, il faudrait avoir le réflexe d’interroger les personnes concernées en premier lieu (comme aujourd’hui ^^ merci !), et pas uniquement des représentant.e.s autoproclamé.e.s ou des « experts ».

Un système social très hétéronormé

Un sujet rarement développé dans les médias est la santé sexuelle des lesbiennes. Pensez-vous qu’il y existe un réel déficit de considération ou que ces problèmes ne sont pas si spécifiques ?
Le sujet de la santé des femmes est perçu plus aisément dans une dimension reproductive dans le cadre spécifique des familles hétérosexuelles. Le système social dans lequel on vit est prévu pour les familles hétérosexuelles.

famille lesbienne avec enfant
(photo : Sharon McCutcheon d’Unsplash)
Les lesbiennes n’étant pas en couple avec des hommes, étant minoritaires, elles ne bénéficient que des avantages et limites prévus pour la santé des femmes célibataires. Leurs problématiques sont peu ou pas étudiées. Les moyens financiers ne sont pas prévus pour ça. Les fonds vont là où le plus grand nombre de personnes est touché et à ce qui changerait le système.
C’est une des principales raisons qui ont poussé les associations à créer leur propre système de financement comme la LIG (fonds de dotation Lesbienne d’Intérêt Général) qui vient de lancer un appel à dons dans le cadre du COVID.

Différentes façons de militer…

En Normandie, il n’y a qu’une seule association lesbienne : LBTG. Percevez-vous un manque ou une demande plus forte sur les actions de la communauté lesbienne dans notre région ?
En Normandie comme ailleurs il y a un besoin de se retrouver en non mixité et de créer des actions faites par et pour les femmes qui aiment les femmes. LBTG existe pour tenter de répondre à cette demande. On est contacté par des personnes de toute la région, mais on n’agit pas sur toute la région. Ainsi on renvoie vers des associations locales. Mais on sait que les femmes sont présentes dans bien d’autres associations dans l’Orne, le Calvados et la Manche, pas forcément identifiées comme des associations lesbiennes. Il y a différentes façons de militer. L’important est de trouver celle qui nous correspond.

Association LGBT à Rouen
(association LBTG)

Association LBTG (Laisse Bien Ta Gaité) 

Actualité : récemment LBTG a obtenu un financement qui permettait la tenue depuis janvier 2020 de séances d’apprentissage des percussions avec un professionnel.
Le groupe est constitué de femmes d’LBTG, de Droits des Femmes Rouen et de l’ASTI de Petit Quevilly (Association de Solidarité avec tou.te.s les Immigré.e.s).
Le confinement a interrompu cette activité conviviale et militante, gratuite et ouverte à toutes les femmes qui souhaitent participer.
L’objectif est de visibiliser les femmes et leurs revendications lors de différentes manifestations (8 mars : journée internationale pour les droits des femmes ; Fête des Couleurs organisée par les Etats Généraux des Migrants ; Marche des Fiertés LGBTQI+ de Rouen …). A terme, les Tambourineuses souhaitent devenir un groupe autonome et un exemple d’empowerment (ndlr : autonomie et appropriation : avoir un réel pouvoir sur sa propre vie).
Site internet de LBTG et page facebook de LBTG

Militer en tant que femme et lesbienne
(photo de Parente d’Unsplash)
* Cisgenre: cela qualifie une personne dont l’identité de genre est en concordance avec le genre qui lui a été assigné à la naissance (exemple : une personne née fille à la naissance se sent femme dans sa vie). Cisgenre s’oppose à transgenre. Ce mot a été introduit dans le dictionnaire américain en 2016.
** iels : ce mot pourrait se traduire par « ils ou elles ». Il permet de désigner des personnes qui ne s’inscrivent pas dans un genre défini ou dont le genre n’est pas connu, il est utilisé aussi pour désigner un ensemble de personnes de genres connus mais variés.

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