Au début de l’été, Gaynormandie préparait l’interview du bar gay le Meltin’Potes. Un bar ouvert en octobre 2006. Cet établissement s’est très vite fait un nom sur la place havraise. Mais surprise… l’établissement venait de fermer… Que s’est-il passé ? Pourquoi après le succès, la clef sous la porte. Stéphane le patron s’explique sur cette fermeture mais aussi son regard sur la vie gay au Havre.
Gaynormandie : Le Meltin’Potes au Havre est fermé depuis cet été ? Que s’est-il passé ?
Stéphane : Le bail avait été annulé au mois d’avril, suite a une demande du propriétaire pour un retard de 2 loyers….. Pourtant, tout avait été régularisé. Le bar est resté ouvert, mais je ne savais pas que j aurai du resigner un bail. Ce que l’agence n’a pas fait, j’ai donc continué à exercer mais sans bail.
Des courriers ont été envoyés à la sous-préfecture, à la mairie, à l’agence et au propriétaires par le syndic de copro, des voisins et même le député, début juillet. Le propriétaire a donc décidé l’expulsion. Je me suis retrouvé expulsé en 3 jours.
Gaynormandie : Quel a été ton meilleur souvenir dans ce bar ?
Stéphane : La préparation de l’ouverture d’abord, tout le monde s’est investi et venait donner un coup de mains pour les travaux. J’avais dix jours pour tout faire. Parfois, on se retrouvais à quinze dans le bar le soir, jusqu’a 2 h du mat’. C’était vraiment une belle expérience. Nous avons réussi à ouvrir dans les temps.
Toutes les soirées ensuite, les rencontres , l’ambiance, les client-e-s s’impliquaient beaucoup dans la vie du bar et les soirées. C’était vraiment comme une seconde maison pour beaucoup.
Gaynormandie : Comment cela s’est-il passé avec les autorités et le voisinage lors de l’ouverture et de la préparation du Meltin’Pote ?
Stéphane : Plutôt bien à l’ouverture. Je voyais beaucoup la police municipale, trop…, ensuite ça c’est un peu calmé. Puis ça à recommencer, aucun voisin n’est venu se plaindre directement, mais je savais que beaucoup ne supportait pas le bar. Il faut dire qu’il était en plein centre ville, dans un quartier ou beaucoup de personnes âgées vivent. Elles veulent conserver leur tranquillité… alors toute cette agitation les week-end…
Gaynormandie : Que vas-tu faire maintenant ? Quels sont tes projets ?
Stéphane : Je ne sais pas vraiment, peut-être reprendre un lieu, hors du centre ville. Il y a un manque au Havre et la clientèle attend. Mais aller sur les Docks (le nouveau quartier de la nuit havraise) ne me tente pas plus que ça. Je sais que je veux continuer à travailler dans le monde de la nuit, mais je ne sais pas encore sous quel forme.
Gaynormandie : Avant de commencer avec ce bar, tu as eu une expérience associative, peux-tu me raconter ton parcours… ?
Stéphane : Je suis originaire de Bourgogne, je suis parti à Paris à 20 ans, j’y suis resté 10 ans. La-bas, j’ai travaillé dans des bars gays et au Dépôt. Puis j’ai travaillé dans le commercial, ce qui m’a amené à me faire muter au Havre.. Quand je suis arrivé dans cette ville j’ai été très surpris de voir qu’il n’y avait rien ou presque, en tout cas rien qui me convenait. Je suis donc resté 2 ans sans sortir au Havre.
Puis j’ai décidé de revenir à mes premières amours. J’ai arrêter de bosser et j’ai monté ma boite d’organisation de soirées, en partant du principe qu’il y avait forcément un potentiel dans une ville de plus de 200 000 habitants.
La première a été un vrai succès. J’ai vu qu’il y avait une vrai demande. Les clients attendaient qu’on leur propose de vraies soirées. Je travaillais avec le Del-Rio.
En parallèle, avec 3 ami-e-s, nous avons décidé de monter une association. Il n’y en avait pas non plus au Havre. Aucune visibilité pour les lesbiennes et les gays. Rien. On voulait une asso qui regroupe tout le monde, garçons et filles jeunes et moins jeunes, tous ceux qui voulaient faire bouger un peu les choses. Et là aussi, il y avait une vrai demande.
Aujourd’hui , Homosphère (l’association créée) a une visibilité dans l’agglo. Nous avons eu plusieurs articles dans la presse, rencontré les élus, organisé une distribution de tracts pour la journée mondiale mondiale contre l’homophobie. Nous participons aussi à la marche de Rouen. J’ai démissionné du poste de président quand j’ai ouvert le bar, pour ne pas tout mélanger. Je reste au Conseil d’Administration et dans le groupe culture-visibilité. Je pense qu’il est important que la communauté Lgbt ait une forte visibilité dans une ville surtout une ville comme Le Havre.
Gaynormandie : Comment trouves-tu la vie gay au Havre ?
Stéphane : Je dirais qu’il n’y a plus de vie gay, plus de lieu où faire la fête. Le Meltin’potes comblait un manque, le manque est revenu. Il y a pourtant une vrai demande. Mais les établissements sont vraiment trop frileux. Ils ont peur des étiquettes. Il n’y a plus aucune discothèque où l’on peut faire la fête, ni aucun bar. Enfin cela reste mon avis…et celui de pas mal de gens ici.
Gaynormandie : un dernier mot ?
Stéphane : Merci à toutes celles et ceux qui ont montré que le Havre pouvait bouger, qu’on savait aussi faire la fête ici.
Et à bientôt….