Pas de procès avant 2022
L’extorsion de fonds assortie d’une ITT de plus de 8 jours a permis la qualification criminelle – et donc la perspective d’un procès aux Assises – de l’agression dont Romain a été victime le 25 octobre dernier. Les agresseurs, dont l’un d’eux est connu des services de police pour vol, sont « passés à deux doigts de la comparution immédiate » nous révèle Maitre Hugues Vigier.
Cette comparution aurait pu raccourcir grandement les délais de jugement. En effet, le procès aux Assises n’interviendra que d’ici 3 ans, au mieux, selon l’avocat de Romain. Mais, « on se serait privé d’un vrai débat » soutient Me. Vigier.
Un débat qui sera basé sur les éléments de la garde à vue mais aussi sur les conclusions de l’information judiciaire qui accompagne cette mise en examen. Elle va permettre plusieurs auditions de la défense et de l’accusation voire même des confrontations. De plus, les magistrats vont demander un examen psychiatrique de la personnalité des agresseurs, élément qui peut se révéler déterminant.
La difficulté de démontrer l’homophobie
Ce sera l’enjeu principal du procès : démontrer le caractère aggravant du crime, en l’occurence l’homophobie. « L’extorsion et la séquestration sont des faits irréfutables, prouvés et assumés par les agresseurs » affirme Maitre Vigier. « Mais l’homophobie, quant à elle, est très difficile à prouver : c’est parole contre parole, et aux Assises cela profite rarement à la partie civile (Romain, Ndlr) » prévient l’avocat.
Selon nos confrères de l’AFP, les agresseurs présumés de Romain « démentent formellement le caractère homophobe » de l’agression et évoquent uniquement le motif crapuleux.
Toutefois, des éléments concrets permettent d’aller dans le sens d’une agression homophobe. La chronologie, par exemple, sera un des axes de la défense de Me. Vigier. Pour rappel, Romain a été tabassé durant plusieurs heures avant d’être détroussé suite à la chute accidentelle de sa carte bancaire.
La parole de la victime ?
Il faudra aussi convaincre le jury populaire qui siègera au procès d’Assises avec les magistrats professionnels. « Personne ne peut témoigner du caractère homophobe de l’agression, il faut une vérité judiciaire. L’une d’elle est la parole de la victime. Ce qui est sûr c’est que pour Romain l’agression est bel et bien homophobe. C’est de cette manière qu’il l’a vécue dès les premiers instants. C’est le premier argument qu’il a donné aux policiers lorsqu’il a porté plainte. Et ça c’est important » nous précise l’avocat de Romain.
Même si, à l’issue du procès, la Justice n’a pas les moyens concrets et irréfutables de prouver le caractère homophobe de cette agression, « on aura des réponses » sur ce qu’un tel acte et de telles insultes « signifient » pour les agresseurs de Romain. Car le fait que les deux criminels présumés aient insulté Romain de « pédé ou tarlouze » peut être considéré comme secondaire et donc ne pas représenter le motif principal de l’agression. La parole de Romain et son ressenti sont essentiels.
Une parole que Romain portera au procès s’il le souhaite et qui pourrait convaincre les juges et les jurés.
Un avocat engagé
Maitre Vigier est un avocat réputé au pénal. Il a déjà plaidé plusieurs affaires de ce type : homophobie, sexisme, discrimination. Ce dossier, il va le défendre avec la vigueur de son engagement qui fait sa réputation tout en gardant « une grande exigence et en ne cédant pas à la facilité. » L’augmentation des agressions homophobes « dit quelque chose sur notre société et c’est alarmant » analyse Me Vigier. « Il y a des replis moraux préoccupants. On a l’impression que l’homosexualité est « devenue » anormale » poursuit-il. En tant qu’avocat il trouve cela « passionnant et préoccupant » à la fois.
Romain aura rendez-vous avec son avocat ces prochains jours pour évoquer tous les aspects de cette procédure longue et éprouvante.
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