Édouard Philippe, 46 ans, est député-maire LR (Les Républicains) de la ville du Havre en Normandie depuis octobre 2010 et proche d’Alain Juppé. De nombreux français découvrent le nouveau visage de leur Premier Ministre.
En 2012, à l’occasion des dix ans de Gayviking, notre webmagazine avait interviewé Édouard Philippe alors maire du Havre, une ville de 172.000 habitants où la vie gay et lesbienne est étonnamment discrète.
L’homophobie, ce sont aussi des mots blessants…
Lors de l’interview, il avait évoqué le sujet de l’homophobie dans une position compatissante mais réaliste. A la question s’il avait connaissance d’actes homophobes dans sa ville, il avait répondu : « Il ne m’a pas été rapporté de faits de violences homophobes délictueux. Je pourrai me contenter de cette réponse, mais les problèmes d’homophobie ne se résument évidemment pas aux actes violents et les plus visibles. L’homophobie, ce sont aussi des mots blessants, des rejets, des regards de travers etc… Il nous appartient, à nous élus, mais aussi à l’ensemble des Havrais de créer un contexte de liberté et de respect pour que notre ville soit la plus agréable possible pour toutes et tous. »
« A nous élus de créer un contexte de respect »
A l’époque, le futur Premier Ministre s’était inquiété de l’absence des associations LGBT dans sa ville : « Je ne sais pas pourquoi ces associations ne sont pas présentes au Havre. Mais, si elles souhaitent s’implanter, elles seront les bienvenues ». Quatre ans plus tard, sa ville soutiendra la création d’une antenne de l’association Le Refuge au Havre, une association pour l’accueil des jeunes homosexuel(le)s victimes d’homophobie.
En 2012, il avait déclaré à Gayviking que les gays et lesbiennes se sentaient épanouis au Havre mais de préciser aussitôt : « après je ne vais pas non plus tomber dans la naïveté : même si la société française, dans sa globalité, a beaucoup avancé sur cette question de l’homosexualité, il reste encore beaucoup à faire, que ce soit au Havre ou ailleurs. »
Question sur l’homosexualité : « il reste beaucoup à faire… »
Néanmoins, la sensibilité d’Édouard Philippe aux questions LGBT connaîtra ses limites lors du vote de la loi sur le Mariage pour Tous. Bien qu’il n’ait pas voté « contre », il s’abstiendra comme quatre autres députés UMP-LR dont Bruno Le Maire.
Avec Nathalie Kosciusko-Morizet, il expliquera dans une tribune au HuffingtonPost : « Nous ne sommes pas opposés au mariage pour les personnes de même sexe, … cela ne peut pas être de nature à remettre en cause la cellule familiale ou l’institution à laquelle nous sommes attachés….Cette abstention ne traduit pas, loin s’en faut, une absence de conviction. Elle est enracinée dans la certitude que notre société doit avancer, en proposant des solutions aux formes nouvelles de vie en couple, mais sans concéder au gouvernement aucun engagement sur le chemin dangereux qu’il semble vouloir emprunter ».
Alors pourquoi Édouard Philippe n’a pas adopté ce texte ?
Il expliquera son positionnement pour faire barrage aux intentions du Gouvernement de François Hollande sur l’ouverture de la PMA (procréation médicalement assistée) et la GPA (gestion pour autrui).
Un vote calculée et de circonspection alors que la PMA et la GPA ne sont pas dans la Loi Taubira. Avec cet épisode parlementaire, la Communauté LGBT était déjà prévenu : la PMA et la GPA, c’est sans lui.
Mais la PMA et la GPA, c’est non…
Le Président de la République, Emmanuel Macron, semble avoir des positions similaires à son nouveau Premier Ministre. D’une façon plus large, et comme il l’avait déclaré dans la presse en mars dernier, les politiques sociétales ne sont pas une priorité du Chef de l’Etat pour son quinquennat.
En résumé, en croisant les positions d’Édouard Philippe et d’Emmanuel Macron, il y a peu de chance pour que la législation évolue à court terme sur les questions LGBT.
Concernant l’ouverture de la PMA aux couples de femmes ou aux femmes célibataires, qu’elles soient hétérosexuelles ou homosexuelles, même s’il y semble favorable, Emmanuel Macron souhaite attendre l’avis du Comité d’éthique, avis qui tarde à venir. Mais il ne faut pas se bercer d’illusions, de peur de froisser, le nouveau binôme Emmanuel Macron/Édouard Philippe présente peu d’espoirs de faire évoluer ces questions à court terme.
De nombreux sujets sur l’homophobie
Néanmoins, il reste des sujets à traiter et qui ne sont pas seulement du ressort du Parlement mais du Gouvernement, par la voie réglementaire, comme la lutte contre l’homophobie dans l’Éducation Nationale et les politiques de santé dans la prévention. Des marges de manœuvre existent.
Sur la visibilités des personnes LGBT, le nouveau Président de la République a envoyé, volontairement ou non, des symboles lors de son investiture dimanche dernier. Après avoir invité à l’Élysée Étienne Cardiles, le compagnon de Xavier Jugelé assassiné par un terroriste à Paris le 20 avril dernier, il a également salué Denis Erhart à l’Arc de Triomphe, des OubliéEs de la mémoire (les déportés homosexuels).
Même si les élections législatives des 11 et 18 juin prochain constituent une Épée de Damoclès au-dessus du Premier Ministre, la nomination d’Édouard Philippe au Gouvernement n’est pas a priori le pire casting pour la Communauté LGBT même si des avancées sont encore indispensables comme la PMA.
Les associations LGBT seront également attentives à quelques postes clefs de ministres comme celui des Familles, de la Santé ou de la Justice notamment.
(photos : compte Twitter d’Édouard Philippe)