Une reconnaissance parfois difficile à faire reconnaître. Les commémorations ont eu lieu le dernier dimanche d’avril. Sous couvert d’homophobie, la déportation homosexuelle est souvent reniée.
Avril 2005 : la déportation homosexuelle reconnue
En avril 2005, le Président de la République Jacques Chirac avait reconnue officiellement la déportation homosexuelle. Des circulaires aux différentes Préfectures avait été envoyées pour inviter les associations LGBT aux cérémonies.
Ainsi, les associations reviennent chaque année à la charge pour faire reconnaître cette barbarie au même titre que les autres. A force de persévérance, des municipalités ont accepté d’inviter les associations LGBT aux cérémonies comme les autres associations de déportés (exemple à Rouen 2010 et à Caen en 2012.)
Il ne s’agit pas d’événements d’un « autre âge », il ne s’agit pas de dire « c’est du passé, c’est loin ». Il s’agit d’homophobie d’hier et d’aujourd’hui.
Comprendre le sens…
Après la guerre, la très grande majorité des déportés homosexuels a disparu dans l’anonymat. L’absence de reconnaissance officielle de cette déportation spécifique, l’absence jusque dans les années soixante-dix d’un militantisme homosexuel constitué, le silence des intellectuels et le peu d’intérêt des chercheurs et des historiens pour “une question qui n’existe pas” ont longtemps occulté une réalité qui s’est peu à peu estompée dans la mémoire collective.
Dans les camps nazis, les déportés homosexuels doivent porter un triangle rose, pointe tournée vers le bas, qui les identifie comme tels. La hiérarchie concentrationnaire les place au plus bas de l’échelle sociale des camps, ce qui ne leur permet guère d’entretenir des relations d’entraide avec les autres déportés et d’améliorer ainsi leurs chances de survie (lire le témoignage de Pierre Seel, déporté homosexuel)
Il y a toujours eu des polémiques sur les chiffres, difficile à retrouver du fait du silence depuis plus de soixante ans. Sans compter que les raisons des déportations pouvaient être multiples : juif homosexuel, résistant homosexuel, tzigane homosexuel. Qu’importe qu’il y ait eu 2000 déportés homos, 200 ou même 20. Le sujet doit être mis en lumière. Il l’est mais tardivement.
Le simple fait de dire que la déportation homosexuelle n’a pas existé est comme de l’homophobie.
Le fichage des homos par la police française avait déjà commencé avant la seconde guerre mondiale. Pendant l’occupation, le gouvernement de Pétain a transmis volontairement ce fichier. Arrestations après arrestations, les homosexuel(le)s ont été déportés. Le gouvernement de Vichy a promulgué une loi interdisant tout rapport sexuel entre deux personnes de même sexe sous peine d’emprisonnement.
A la libération, le Général de De Gaulle a confirmé cette loi. En 1960, ce même gouvernement a renforcé les dispositions contre les rapports homosexuels. Il a fallu attendre 1981 avec l’arrivée de la Gauche au pouvoir pour abolir le délit implicite d’homosexualité et en alignant les majorités sexuelles hétéro-homo.
Les insultes et agressions homophobes ne sont pas anodines, l’histoire est liée. Renier ce qui s’est passé entre 1939 et 1945 c’est avaliser la législation contre les actes homosexuels, c’est rendre légitime l’homophobie. Voilà pourquoi la reconnaissance de la déportation homosexuelle est importante.
Reconnaître la déportation homosexuelle est un acte citoyen contre l’homophobie.
Pendant longtemps la communauté homosexuelle a été humiliée par de nombreux élus et associations de déportés, piétinant les fleurs et arrachant les rubans de la commémoration. Je me souviens des insultes et des crachats pendant la cérémonie. Des moments très durs. Aujourd’hui de plus en plus d’autorités locales participent et reconnaissent la déportation homosexuelle même si, hélas, des quolibets se produisent par quelques publics.
Ce n’est pas un combat d’arrière garde. Il est vrai que la déportation homosexuelle s’est passé il y a plus de 60 ans, mais les démons n’ont pas disparu : agression après agression, l’homophobie et la haine n’ont pas changé.
Aujourd’hui, l’histoire est prête à se répéter. C’est en Europe, en Tchetchenie, territoire autonome de la Russie. Sans confirmer le terme de « camp de concentration », c’est bien une répression violente contre les homosexuels qui secoue se pays : emprisonnement, torture et meurtres.
Se battre pour la reconnaissance de la déportation homosexuelle c’est se battre pour ces hommes et femmes victimes d’homophobie. C’est bien connu, si on n’a pas de passé, on n’a pas d’avenir.
Se battre pour la reconnaissance de la déportation homosexuelle c’est se battre pour l’avenir, contre l’homophobie d’aujourd’hui et de demain.
Pour aller plus loin…
Un livre à lire : « Moi, Pierre Seel, déporté homosexuel ». En 1994, un déporté français en raison de son homosexualité a décidé de raconter son histoire. Il s’appelait Pierre Seel. Il est décédé en novembre 2005. Son témoignage est bouleversant.
Un téléfilm sur la déportation d’un français homosexuel : « un amour à taire » diffusé sur France 2 en 2005, disponible en dvd.
Un site web de référence sur la déportation homosexuelle : « Association Devoir et Mémoire ».
Et aussi le site Hexagone Gay sur les années 40.