(publié le 9 janvier 2011)
A l’université de Caen, une poignée de jeunes normand(e)s sait se prendre en mains. Regroupés sous l’étendard de Melting Pomme, l’association se veut combative et conviviale. C’est une porte ouverte pour tous les jeunes et étudiants. C’est aussi une arme contre les discrimination et un message pour les préventions. Rencontre avec Loïc, le président de l’association, très décidé à œuvrer dans ce sens.
Gaynormandie : L’association s’adresse essentiellement aux jeunes et étudiants LGBT, remarques-tu une augmentation des actes d’homophobie sur les jeunes ou de la part des jeunes… ou bien y’a t’il une stabilité ? diminution ?
Loïc : Il est très difficile d’amener les victimes à signaler une agression, et plus encore à dénoncer leur agresseur (ou, généralement, leurs agresseurs au pluriel). Cela étant, nous avons connaissance d’un climat de violences, aussi bien morales que physiques, entre jeunes à Caen. Depuis le mois de mai 2010, nous avons reçu deux témoignages avérés d’agressions physiques clairement homophobes dont une en pleine journée au centre-ville de Caen. Par ailleurs, on ne compte plus les récits d’homophobie ordinaire : blagues vaseuses, brimades… Qui blessent insidieusement beaucoup d’entre nous.
Nous sommes en train de travailler à mettre en place un formulaire de signalement anonyme d’agression par Internet. Il sera disponible dans les prochaines semaines, dès l’ouverture de notre nouveau site web. Nous espérons ainsi collecter plus d’informations sur ces violences dont on sait qu’elles sont une inacceptable source de mal-être pour les jeunes LGBT. Les signalements seront transmis à SOS-Homophobie et pourront nous servir à convaincre les élus locaux à se mobiliser avec nous.
Gaynormandie : Comment s’organise la présence de Melting Pomme sur le campus et l’agglomération Caennaise ?
Loïc : Avec d’autres associations, nous agissons en ville ou dans les établissements communautaires de la ville… Mais nous sommes avant tout une association étudiante. C’est pourquoi nous avons décidé de concentrer nos forces sur les différents campus de l’Université de Caen, ce qui représente potentiellement 25 000 étudiants ! Ça nous laisse largement de quoi faire ! (Rires)
L’année dernière, nous avons ainsi reçu à la Maison de l’Etudiant Elisabeth Guigou et Jean-Pierre Michel pour deux soirées-débat sur les dix ans du pacs (voir reportage de l’association ici – et les photos illustrées sur cette interview). Cette année, beaucoup de nos activités auront lieu au cœur de la communauté universitaire.
Gaynormandie : Comment réagissent les étudiants et les enseignants sur le campus face à Melting Pomme ?
Loïc : Nos affiches sont moins arrachées que par le passé ! L’accueil est plutôt bon… Mais il faut bien avouer que ce sont généralement les personnes convaincues qui fréquentent nos activités ! (Rires.)
Gaynormandie : Quels sont les grands événements que préparent Melting Pomme pour les mois à venir ?
Loïc : Beaucoup de nouvelles têtes sont arrivées à Melting Pomme cette année ! Toutes les composantes du fameux « LGBT » sont enfin représentées ! Beaucoup de nanas, beaucoup de jeunes… Bref, beaucoup d’énergie qui nous fait espérer concrétiser de nombreux projets cette année !
Ainsi, nous venons de lancer un atelier théâtre pour recréer la pièce « The Laramie Project » qui relate l’histoire vraie de Matthew Shepard, un jeune gay américain assassiné dans le Wyoming en 1998.
Nos membres informaticiens planchent sur la création d’un tout nouveau site qui sera à la fois une communauté virtuelle et un prolongement de l’association vers les réseaux sociaux.
Nous préparons avec le SUMPPS (anciennement appelé Médecine Préventive Universitaire) pour le second semestre une enquête statistique sur le suicide des étudiants de l’Université de Caen, et notamment des gays et lesbiennes.
Gaynormandie : Organisez-vous des moments d’écoute en direction des jeunes LGBT ?
Loïc : Tous les lundis, lors de nos Happys Lundis au bar « Le Sémaphore » (infos sur le site de Melting Pomme ici), nous commençons la soirée (de 19 heures à 19 heures 30) par un temps animé par un responsable de l’association formé à l’écoute. C’est là que nous accueillons les nouvelles et les nouveaux et que nous tenons une permanence informelle d’écoute.
De plus, nous étudions actuellement avec la Maison de l’Étudiant (Campus 1) la mise en place d’une permanence officielle d’écoute toutes les semaines. Nous réfléchissons aussi à l’instauration de groupes de paroles, mais il nous faut pour cela nous entourer de professionnels disponibles et motivés… A suivre !
Gaynormandie : Comment travaillez-vous avec les autres associations LGBT ?
Loïc : Les relations avec la Maison des Diversités sont excellentes. La Maison des Diversités est le CGL (Centre gay et lesbien) de la région : elle regroupe plusieurs associations dont Melting Pomme pour organiser des actions en commun et porter une parole collective et solidaire vis-à-vis des élus et des médias. Ces activités collectives vont de le l’organisation de la Marche des Fiertés à des formations internes pour nos membres… Nous avons également des rapports réguliers avec SOS-Homophobie.
Au-delà de la communauté LGBT, nous travaillons avec le collectif « Écouter Pour Prévenir le Suicide » et le Chœur Universitaire pour différentes actions tout au long de cette année universitaire à commencer par deux concerts, courant décembre dernier, dont la recette a été reversée au profit de la prévention du suicide. Toujours avec le collectif, nous préparons en ce moment pour le 2 février une soirée de conférences qui se tiendra à l’Université.
Gaynormandie : Les relations avec le monde institutionnel (mairie, agglo, département, Etat…) sont-elles fructueuses ? Des projets en commun ?
Loïc : Nous avons pour la première fois cette année sollicité une subvention de fonctionnement auprès de la ville de Caen. Pour l’instant, je croise les doigts ! (Rires) Le changement de municipalité en 2008 va dans le bon sens. Nous associations sont davantage écoutées, les pacs peuvent désormais être célébrés à l’Hôtel de Ville, la Maison des Diversités s’est vue promettre un local… Mais je suis persuadé que nous pouvons encore mieux faire ; une campagne locale contre les discriminations, un soutien plus affiché à la Marche des Fiertés… Les choses vont dans le bon sens, c’est encourageant.
Gaynormandie : Quel est le plus grand défit selon vous d’une association LGBT aujourd’hui et notamment de Melting Pomme ?
Loïc : La constance de l’engagement de ses membres ! C’est une chose de se pâmer de beaux discours et de boire des bières entre copains, et c’en est une autre de sortir dans le froid distribuer des flyers, de préparer des argumentaires, de se défoncer pour décrocher des financements… Je passe autant de temps à gérer les problèmes d’agenda des uns et des autres qu’à faire avancer les projets sur le fond. C’est parfois décourageant, mais je sais heureusement que je peux compter sur le dévouement de Flavie notre secrétaire, et d’Antoine, notre trésorier !
Les LGBT ne sont plus le « fléau social » des années 1960, nous avons le pacs, et une tranquillité relative à de nombreux égards… Pourtant, notre existence est encore trop souvent simplement tolérée plutôt qu’acceptée purement et simplement. C’est pourquoi il faut continuer à réclamer l’égalité ; il faut inlassablement faire vivre Jean-Louis Bory, Guy Hocquenghem, Roger Stéphane et les autres…
POUR ALLER PLUS LOIN – contacts…
Voir la page Facebook de l’association (ici)
Voir le compte Twitter de l’association (ici)
Voir le site internet de l’association MELTING POMME (en réfection ici)
Retour : relire l’interview de Melting Pomme avec sa Présidente de l’époque Alice en novembre 2007 sur gaynormandie (ici)