Le site web d’actualité sur les médias « Arrêt sur images » a attiré notre attention sur son décryptage d’un journal local de notre région « La Manche Libre » (à ne pas confondre avec la Presse de la Manche). Dans son article du 11 juillet dernier, Arrêt sur image décrypte les méthodes du propriétaire de ce journal, une famille catholique conservatrice, qui tente d’imposer ses obsessions sur un empire en extension. Les personnes LGBT restent une cible de choix…
Selon Arrêt sur images, la famille Leclerc, propriétaire du premier hebdomadaire de France, La Manche Libre, impose une gestion autoritaire et des directives éditoriales réactionnaires, provoquant un climat de peur et de désespoir parmi les employés. Au printemps 2023, lorsqu’ils acquièrent Le Courrier de la Mayenne, sept des huit journalistes démissionnent en un an. Ces départs massifs sont attribués à un manque flagrant de communication, des changements éditoriaux brusques, et une politique de gestion oppressive selon le site Arrêt sur images.
Les articles sur les LGBT sont dépubliés
Rapidement, les nouvelles orientations éditoriales se manifestent : en juin 2023, un article sur la marche des fiertés de Laval est dépublié, suivi d’une directive interdisant toute mention des LGBT. Cette censure éditoriale choque la rédaction, marquant un tournant où les journalistes réalisent qu’ils ne pourront plus traiter librement certains sujets. Sous les anciens propriétaires, même si les éditos étaient parfois homophobes, la rédaction bénéficiait d’une liberté éditoriale que les Leclerc ont rapidement abolie.
La direction impose une ligne éditoriale réactionnaire où les sujets concernant les LGBT, les syndicats, certains politiciens, et les droits des femmes, notamment l’IVG et la PMA, sont soit invisibilisés soit dénigrés.
En Normandie
Arrêts sur Images précise « À la Manche Libre, cette ligne éditoriale réactionnaire est déjà en place depuis des années. « S’agissant des personnes LGBT, la direction choisit alternativement de les invisibiliser ou de les dénigrer, via « une diatribe de religieux », ou « une tribune de pseudo-universitaires » »
En effet, un août 2023, La Manche Libre avait titré « A-t’on encore la liberté de penser ? » avec une photo datant de deux mois de la Mairie de Cherbourg-en-Cotentin où le drapeau arc-en-ciel LGBT flottait sur l’hôtel de ville, à l’occasion de la Pride.
La légende de la photo du journal indiquait « Le drapeau de la minorité activiste LGBT flottant sur la mairie socialiste de Cherbourg-en-Cotentin. En effet, à gauche, on a embrassé les idées dans le vent, remplaçant sa mission originelle de lutte des classes par la lutte des races -SOS Racisme- puis la lutte des sexes -le LGBTisme. »
Le site de décryptage des médias ajoute que les journalistes pratiquent parfois l’autocensure pour rentrer dans le moule de leur propriétaire. Les nouvelles règles de comportement, souvent non-écrites, instaurent un climat de surveillance constant et de pression intense, comparable à une prison selon les employés.
Finalement Arrêt sur Images décrit une stratégie d’acquisitions de Benoît Leclerc, inspirée de Vincent Bolloré, afin d’étendre son empire et à diffuser ses idées conservatrices. Les personnes LGBT en font souvent les frais.
Le propriétaire de La Manche Libre a acquis en 2017 un autre quotidien normand diffusé en Seine-Maritime, le Courrier Cauchois.
Quelle libertés pour les journalistes ?
Les Surligneurs, média indépendant qui lutte contre la désinformation juridique, a repris l’article d’Arrêt sur Images en se postant la question : « Le propriétaire d’un périodique de presse peut-il interdire aux journalistes “de parler des personnes LGBT” ? ».
Oui mais sous réserve conclu l’article. La loi du 14 novembre 2016 renforce la liberté et l’indépendance des médias en protégeant les journalistes des pressions des actionnaires. Elle crée un droit d’opposition permettant aux journalistes de refuser les pressions, la divulgation de leurs sources, et la signature d’articles modifiés contre leur volonté. Le non-respect de ce droit peut entraîner la suspension des aides publiques à l’entreprise. Les journalistes peuvent aussi invoquer la clause de cession ou de conscience en cas de changement éditorial et peuvent démissionner avec les mêmes droits que si le salarié avait été licencié (et conserve sa prime d’ancienneté).
Cependant, la mise en œuvre de ce droit reste incertaine et dépend des pratiques managériales. Les propriétaires peuvent fixer une ligne éditoriale, mais les abus peuvent être sanctionnés par le retrait d’aides publiques.
La situation à La Manche Libre illustre ces enjeux et les difficultés qui vont avec.
Aux lecteurs d’être vigilants dans la lecture de ces journaux.
(mise à jour le 7 août 2024 avec les infos des surligneurs)