C‘est un véritable coup de tonnerre que vient de déclencher le Tribunal Administratif de Nantes ce 7 février. La juridiction administrative annuler la subvention de 22.000 euros accordée par la ville de Nantes au Centre LGBT de Nantes (Nosig). En cause : les prises de positions du Centre LGBT lors de débats sur la PMA et la GPA.
Une contribuable nantaise a saisi le Tribunal Administratif en avril 2016. Elle estimait que la ville ne devait pas verser de subvention au Centre LGBT de Nantes. Elle mettait en cause le soutien apportée par l’association à l’ouverture de la PMA aux couples homosexuelles ainsi qu’à la GPA. En effet, ces pratiques sont, à ce jour, interdites par le droit français.
Ses positions contre la PMA et la GPA mises en cause
Le Tribunal Administratif de Nantes a relevé, preuves à l’appui présentées par la contribuable nantaise, que le Centre LGBT de Nantes avait « publié sur son site internet des appels à manifestation en faveur de l’élargissement des conditions d’accès à la procréation médicalement assistée et ainsi qu’à l’organisation, le 27 novembre 2015, d’une réunion d’information sur la « gestation pour autrui », annonçant notamment la présence aux débats d’un couple ayant recouru récemment à la GPA (gestation pour autrui) »
Le centre LGBT de Nantes, tribune politique ?
Le Tribunal Administratif a considéré qu’eu égard à ces prises de position publiques adoptées ou même seulement relayées par le Centre LGBT de Nantes, l’attribution de la subvention prenait un caractère politique et donc illégal. A aucun moment le Tribunal a reconnu les autres actions d’intérêt général. Rien sur les actions de l’association et notamment sur la lutte contre les discriminations, l’homophobie, la prévention et l’aide aux personnes LGBTI.
Au-delà des associations LGBT
Au final, on peut considérer cette décision comme une remise en cause de la Liberté d’expression et de communication. Les juges administratifs de Nantes considèrent que le simple fait d’organiser un débat sur l’élargissement de la PMA ou la GPA devient politique. Cela rend caduque toute attribution de subvention.
Cette décision peut potentiellement remettre en cause les subventions des associations d’intérêt général évoquant ou relayant un sujet sur la PMA ou la GPA.
Cette décision dépasse le simple cadre des associations LGBT. En effet, un contribuable pourrait contester de nombreuses subventions accordées à des organisations sociales, humanitaires, ou de défense des droits de l’homme osant mettre au débat une question de société… Finalement, tout est Politique, au sens noble du terme.
Le Tribunal Administratif de Nantes, par sa décision, bâillonne la liberté d’expression en refusant aux associations de mettre au débat des enjeux de société. Les magistrats ignorent leurs activités d’intérêt général.
Une conséquence financière désastreuse
L’autre conséquence de ce jugement est financier. Datant de 2016, la subvention a déjà été versée. Le Tribunal Administratif demande que le Centre LGBT de Nantes rembourse les 22.000 euros à la Ville de Nantes sous deux mois.
La Ville de Nantes a diffusé un communiqué ce jeudi 8 février.
Johanna Rolland, Maire de la Ville a décidé de faire appel du jugement du Tribunal Administratif. Elle ne souhaite pas remettre en cause son soutien au Centre LGBT.
La Ville a déclaré que « La convention qui lie la Ville et le Centre a pour vocation de soutenir l’ensemble des actions conduites en faveur de l’épanouissement des personnes homosexuelles, bisexuelles et trans. L’association lutte contre toute forme d’exclusion, de discrimination sociale, professionnelle fondée sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre, les moeurs, et les pratiques sexuelles entre personnes consentantes. En effet, au-delà du motif invoqué, c’est l’ensemble des actions du Centre LGBT (NOSIG) qui se retrouvent mises en cause. Cette décision interroge les principes de liberté d’association et de liberté d’expression «
La ville de Nantes n’abandonne pas le combat
De son côté, très secoué, le Centre LGBT de Nantes a réagi aussitôt sur sa page Facebook. « Cette décision marquerait un précédent d’une ampleur terrifiante pour l’ensemble du monde associatif et montre une nouvelle fois que les forces réactionnaires n’ont pas abandonné leur combat contre l’égalité pour tous.tes ». Il ajoute plus tard dans la soirée que le Centre LGBT « est une structure d’intérêt général qui par ses actions militantes et ses permanences tenues permet indéniablement de lutter contre les discriminations.(…). Les allégations portées sur l’appartenance partisane du NOSIG (Centre LGBT) sont infondées. Nous avons toujours garantie la libre consultation des acteurs dans la limite du respect dans leurs corpus idéologiques du combat que nous menons ».
Le Centre LGBT de Nantes conclu en considérant qu’il s’agit d’une décision partisane.
La ville fait appel du jugement du tribunal
Il est important que la Ville de Nantes fasse appel de ce jugement.
Certes, la seule décision d’un Tribunal Administratif isolé ne fait pas jurisprudence pour toute le territoire. Mais ce jugement raisonne comme un appel à la mobilisation des anti-égalité et mobilisera sans doute d’autres initiatives locales. La décision de la Cour Administrative d’Appel de Nantes sera regardée de très près d’ici quelques mois.
Mise à jour le 9 février 2018 : les dessous de l’affaire.
L’association SOS Homophobie et le Centre LGBT de Paris ont réagi à ce jugement.
« En considérant qu’organiser une réunion sur la GPA serait un acte politique de nature à dénaturer l’intérêt général du Centre LGBT de Nantes, le Tribunal administratif semble dire que les associations seraient soumises à une fantasmatique obligation de réserve, ce qui, à terme, pourrait compromettre l’ensemble des acteurs associatifs des droits humains en France. Et en l’espèce, il ne s’agissait même pas pour le Centre LGBT de Nantes d’un acte revendicatif : en organisant une réunion d’information (et non de mobilisation) sur la GPA, le Centre LGBT de Nantes n’a pas appelé à braver la législation, mais bien plutôt à faire valoir le respect plein et entier des enfants, indépendamment de leur mode de conception, droit reconnu tant par la jurisprudence de la Cour de cassation que de la Cour européenne des droits de l’homme, et qui relève du nécessaire respect des personnes LGBT et de la diversité des familles. »
La chaîne LCI révèle que la plaignante est une « bénévole pour l’association catholique anti-avortement et anti-mariage pour tous Alliance Vita« . Par ailleurs, pour Caroline Mécary, avocate au barreau de Paris, spécialiste du droit de la famille et du droit des homosexuels, il est « regrettable de voir une telle décision en 2018« . « Ça fait partie de ces décisions dont on peut penser qu’elles ont été rendues par des magistrats qui font prévaloir leur opinion personnelle« , assure-t-elle à LCI. Mais elle se veut rassurante : « Ce jugement a vocation a être infirmé par la Cour administrative d’appel car la motivation me paraît extrêmement faible« .
Enfin, des associations LGBT de Toulon et de Marseille sont actuellement la cible d’un recours contre les subventions qui leur ont été attribuées.
Mise à jour le 5 octobre 2018 : le jugement est annulé.
La Cour Administrative d’Appel de Nantes annule le jugement du tribunal administratif. Elle rétablie la subvention au Centre LGBT de Nantes. La Cour a estime « qu’il n’y avait pas de manquement à l’exigence de neutralité politique ». La réunion publique sur la GPA, au coeur du litige, était une réunion d’information pour un débat et non d’une incitation à le faire. (voir article Ouest-France)
Pour aller plus loin
Centre LGBT de Nantes – Nosig
Guide Gay de la Ville de Nantes
Reportage photos Gaypride Nantes 2017
Décision du Tribunal Administratif.pdf
(photos : gayviking)